Vous êtes dans une rue bondée, peinant à avancer, tiraillé entre l'envie d'aller vers votre destination et celle de fuir se mettre en boule au fin fond de votre lit, enfermé à double tour, à l’abri de toutes ces coexistences que vous partagez.
Il vous manque un objet important, une téléphone portable, que vous deviez absolument récupérer. Et comme il est tard, perturbé par cette agitation qu'est la foule, vous êtes irrité et commencez à ruminer des mots agressif à l'encontre du genre humain.
On vous pousse, on vous bouscule, tout vous insupporte. Et vous devez vraiment récupérer ce que vous avez oublié.
D'un sec claquement de talon, vous faites demi-tour, vous laissant vous aussi porter par la violence de la marée humaine. Vous grommelez vivement et votre nez se plante entre les durs pectoraux d'un homme.

La surprise vous envahit et vous stoppe net. Un coup d’œil 35 centimètres plus haut et vous voyez un regard gris perçant vous fixer d'un air calme. Des iris clairs et profonds, extrêmement perturbant. Sa peau est mate, comme celle des pêcheurs en haute-mer. Ses cheveux sont d'un blanc immaculé, chose étonnante contrastant avec la jeunesse de ces traits. Et son oreille percé d'une fine boucle en or.

Le temps semble s'être arrêté, tant le calme qu'il dégage semble vous décharger de toute cette colère qui vous pesait.

Ses lèvres claires se mirent à bouger pour vous demander une simple direction, celle du pensionnat Rayen.
Vous lui répondez au bout d'un court laps de temps. Encore un quart d'heure de marche en suivant les indications et il y sera.
Un petit geste de la tête vous remercie. Doucement, il vous contourne et continue d'avancer, se frayant sans peine une voie dans la marée humaine.

Vous le suivez du regard. De dos, il est encore bien plus impressionnant. Son long manteau de cuir sombre flotte en suivant le rythme de ses pieds chaussés de lourdes chaussures militaires, sa besace en toile de jute se balançant au rythme de ses pas. Vous le suivez du regard jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un point au loin, comme une île pointant au milieu de ces eaux sauvages.

Le temps avait cristallisé.

Du coup, vous en avez oublié votre portable.

Son cœur bat encore la chamade.
Après cet arrêt brutal, elle a dû se mettre à l'abri chez elle, laissant tomber ses projets.
Un jeune homme de cet acabit, c'est plutôt rare. Probablement un métis, pour avoir des cheveux si clairs.
Tout comme ces yeux. Si calme.
Elle l'imagine volontiers en train de lire au milieu des bruits de la foule sans problème, réfugié dans une monde serein.

Au premier abord, il semble imposant, voir intimidant. Sa musculature témoigne d'une rigueur physique exemplaire. Peut-être qu'il s'entraîne tous les jours. Course, haltères, pompes et abdominaux. Comme un combattant.
Un ancien militaire ? Son regard prendrait alors une tout autre dimension, celle d'avoir vu beaucoup trop de choses et qu'il aurait appris à vivre avec.
Il a du être témoin de nombreuses horreurs. Elle avait lu que beaucoup d'ancien militaires confrontés à des situations trop violentes revenaient traumatisés et perpétraient à leurs tours ces brutalités ou sombraient dans la folie, assaillis de cauchemars et délires psychotiques.

Mais si elle se trompait ? Qu'il n'était que douceur et tranquillité ?
Elle l'imaginait plus en train de jouer avec des enfants, de s’occuper des plus jeunes comme un père aimant, toute en retenue qu'en tuant des ennemis à coups de couteaux et de fusils d’assauts. Ou fidèle et loyal à quelqu'un à protéger.
Un repère pour les enfants perdus dans ce monde sauvage...

Tant d'expérience à cet âge... Au fait ? que lui avait-il demandé déjà ? La direction du pensionnat Rayen ?
S'il devait si inscrire, il aurait, au maximum... 19 ou 20 ans ?
Elle se mit à rougir, se rendant compte qu'elle fantasmait sur le caractère d'un adolescent inconnu. Quelle idiote, elle qui a déjà passé l'âge de se marier depuis un long moment.

La donne changeait à nouveau. Elle l'imaginait dans un uniforme de lycée. Un voyou. Plutôt calme et froid alors. Dans un cours ennuyant, il se lèverait d'un coup s'il ne supporte pas quelque chose. Et personne ne pourrait réellement essayer de lui reprocher quoique soit, du fait que son allure imposante rebuterait beaucoup de personnes, pensant au prime abord qu'il serait agressif, voir violent.

Il serait libre à sa manière. Comme s'il respectait les devoirs qu'il avait mais en choisissant toujours où, quand et comment il les rempliraient.
Pas un anarchiste. Plus un individualiste, insaisissable.

Elle soupira. Quelqu'un comme ça ne peut tout simplement pas exister. Ce n'est qu'un fantasme d'une quadragénaire un peu frustrée et à l'imagination qui s'emballe un peu trop rapidement. Un fantasme qu'elle oublierait bien après que son quotidien ne l'ai rappelé à l'ordre.

400 mots minimum. Histoire.