Les sept péchés & Johanne

Superbia/Orgueil n’a jamais voulu de Johanne, qui ne considérait pas d’une grande valeur. Ironie du sort, dirons-nous. La jeune femme est du genre discrète, n’aimant pas se valoriser par rapport aux autres. Elle préfère rester en retrait dans sa tranquillité, dans sa bulle où rien ne peut l’atteindre. Elle n’est pas timide et donne toujours son avis quand il est nécessaire. Elle ne parle pas pour rien et n’apprécie guère les longues discussions. Oui, elle est solitaire et le montre très facilement. Elle ne cherche pas à se lier aux autres, leur disant les quatre vérités et de façon froide. Elle déteste l’hypocrisie et c’est seulement sur ce point de vue qu’Orgueil apprécie notre demoiselle.

Avaritia/Avarice doit être l’un des péchés ambigus de la jeune femme. Elle ne partage pas son humeur, ses émotions qu’elle accumule souvent en elle. Le silence, la tranquillité sont ses trésors et elle ne s’en séparera jamais. Mais attention vous pouvez l’aborder, elle se montrera agréable et polie. Un peu de compagnie ne lui fait pas de mal de temps en temps.

Invidia/Envie est le sentiment qu’elle ressent le moins. Elle ne désire rien, ne veux rien posséder à part un cœur le plus neutre possible. Elle considère qu’elle n’a besoin que de vivre et les moyens de la vie quotidienne pour y subvenir. Pour elle, vivre c’est manger, dormir, pratiquer un métier, avoir une bonne santé dans les autres des autres et d’elle-même. Elle n’envie personne : pour elle, chacun est unique.

Ira/Colère est le péché qui hante l’âme de Johanne. A cause de son passé, elle a du refréner tellement de choses en elle qu’elle peut exploser et disséminer cruellement sa rage. Voilà pourquoi en partie, elle s’éloigne des autres. Elle ne veut pas faire de mal injustement sans raison. L’expression « la goutte qui fait déborder le vase » lui correspond très bien. Elle ne contrôle pas sa colère et le regrette et en souffre car cela lui rappelle sa vie d’antan. Elle a tendance à se défouler dans ses écrits ou ses tableaux, qui s’assombrissent quand Ira envahit son cœur.

Luxuria/Luxure est le péché qu’elle découvre peu à peu. Elle n’ose pas aimer car ce sentiment la perturbe et qu’elle devient très possessive et collante quand elle est amoureuse, traits qu’elle déteste ressentir. Elle a eu deux amours, un jeune homme et une amie d’enfance. Oui, notre amie aime à la fois les hommes et les femmes. Pour elle, elle avait besoin d’inspiration besoin de connaître l’inconnu. Mais c’est aussi parce qu’elle se fiche des conventions qui lient la société.

Gula/ Gourmandise cause surement sa plus grande perte. Son envie d’échapper à son passé est si démesurée qu’elle est capable de s’en rendre malade. Dès qu’une personne l’interroge sur sa vie, lui rappelle son enfance, elle rejette Gula au point de ne plus se préoccuper de sa santé. Un seul défaut peut changer son image, son insatiable appétit. Depuis qu’elle a quitté le Pays de Galles, elle a pris l’habitude de dévorer, savourer n’importe quel met à n’importe quelle heure ce qui lui valait quelques fois des kilogrammes en trop. C’est peut être à ces moments qu’elle devint plus souriante, plus vivante.

Acedia/Paresse ou plutôt la procrastination est peut-être le trait qui rend Johanne plus normale, plus humaine. Quand les cours se terminent, quand elle se réfugie dans une bibliothèque, elle devient plus ouverte, plus encline à la discussion. Elle montre cependant des lacunes. Il lui arrive d’être tête en l’air mais aussi repousser certaines tâches au lendemain. Elle préfère être en retard et savourer ses moments de solitude que devoir s’encanailler avec ses camarades qu’elle respecte malgré le mur qu’elle a forgé.

En tant que narratrice attitrée, je vais vous présenter cette demoiselle quelque peu étrange. Normalement elle devrait par là aujourd'hui... Ah je la vois sur la terrasse d’un café à treize heures ! Je m'installe à une table en face d’elle pour pouvoir vous la détailler discrètement en sirotant un petit café. Elle ne m’a pas aperçue. Bon point. Elle appelle d’un geste de la main un garçon, le visage fin et souriant. Ses yeux d'un bleu profond et lumineux jettent un coup d’œil à la carte, semblant vérifier qu’elle ne se trompe pas de commande. Le jeune homme semble étonné de la voir, une demoiselle avec une tenue assez extravagante, mélange étrange avec un côté asiatique et européen. Il observe de long en large sa cliente, qui ne cache pas ses goûts vestimentaires d'antan. Il lui arrive de porter des robes typées mais étonnamment par rapport à ses congénères elle porte des vêtements souvent violet ou blanc. Son allure, sa silhouette fine accentuée par sa tenue et ses longues jambes lui donne une image chétive. Je la trouve belle malgré l'impression de fausse chaleur. Heureusement pardi !

Le serveur s'en va, jetant encore de regards auprès de Johanne. Il est très rare la voir sortir. La demoiselle patiente, les mains petites en blanches posés sur sa robe et le visage tourné vers la ruelle d'en face. Je remarque qu'un de ses index tapote le tissu dans un rythme régulier. Dans cet angle, je discerne mieux sa coiffure raide et apparemment douce. Ses cheveux blonds descendent le long de son dos, une partie dissimulé par une coiffe décoré d'un noeud rouge. Ils arrivent au niveau sa taille, aimant jouer avec la brise, narguant de manière rebelle le visage droit et légèrement anguleux de la demoiselle, chatouillant son petit nez.

Mais il faut que je commande ! J’aurais l’air d’une gourde et je me ferais repérée illico presto ! Ouf, un serveur arrive à la rescousse alors que celui de la demoiselle lui sert du thé glacé. La brise se lève et soulève les mèches de Johanne, qui fronce les sourcils. Oh, elle est loin d’être banale mais elle n’attire pas les yeux non plus si on oublie ses vêtements. Une personne arrive et la salue. Elle se lève pour la saluer. Notre jeune femme est de taille moyenne surement dans le mètre 65, semble être mince à travers sa robe qui semble avoir pour but de dissimuler un corps frêle malgré sa stature droite. Oh, elle possède un corps d’une jeune femme avec des formes voluptueuses, avec une taille bien marquée, communément sa silhouette forme un 8. Elle assume clairement son corps mais il y a une différence entre vulgarité et élégance. Elle n’a pas une silhouette parfaite non plus, on peut considérer qu’elle est banale avec un petit plus. Certains la voient même très mince. A mes yeux, elle doit faire dans les 60kg.

Tiens, elle jette un regard aux alentours et nos mirettes se croisent. Les siens sont d'un bleu marine en forme d'amande et m'observent quelques secondes avant d'esquisser une grimace de ses lèvres rosées. Puis elle s’asseoit à nouveau, ses escarpins émettant un léger bruit de claquement. Elle remet ses cheveux en arrière, dévoilant une nuque presque diaphane. Oui, la peau de Johanne est pâle mais sans lui donner un air maladif.
Oups ! Je l’ai perdu de vue alors que je vous décris la demoiselle… Bon à vous de voir constater de vérifier par vous-même mon enquête sur Johanne. Sur ce je retourne inspecter un lieu de crime.

Le mois d’août, apportant sa chaleur écrasante dans la ville de Cardiff, fut tragique pour la famille Pregan. Pourquoi ? Tout simplement à cause de l’union d’un homme, riche duc et d’une roturière française, Rose Pregan. Reniée par la famille Richards, cette dernière avait fui, l’enfant âgée de quelques mois dans ses bras. Elle ne supportait sa belle famille qui n’arrêtait pas de la juger, de la voir comme une moins que rien, et la forcer de venir ce qu’elle n’était pas. Rose avait eu la naïveté de croire au prince charmant mais eut rapidement les pieds sur terre. Faire face à la réalité, loin de l’illusion de l’amour fut un électrochoc. Avoir voulu lui prendre Johanne et la bannir de l’aristocratie anglaise pour retourner en France furent ce qui firent déborder le vase. Cependant sa fuite fut rapidement stoppée par un accident causé par un chauffard à Londres alors qu’elle fait un détour pour des courses avec sa fille qui attendait dans une chambre d’hôtel. L’enfant se retrouva dans un établissement mais n’y resta que peu de temps avant d’être retrouvée par la famille Richards. Johanne grandit alors parmi cette famille sans jamais savoir la vérité sur sa mère. On lui disait toujours que sa mère est morte à l’accouchement. Son père acceptait ces dires de peur de faire souffrir sa fille mais avait aussi forcer les Richards à accepter qu’elle se nomme Pregan en souvenir de sa mère. La famille ne refusa pas sachant que cela lierait Johanne et son père à eux.

Son enfance fut marquée par une éducation stricte et sévère à partir de ses trois ans. Les responsables veillaient à la bonne réputation de la famille. Les enfants y résidant avaient donc un énorme poids sur les épaules : il fallait bien travailler et étudier, être polie et bien éduqué, savoir bien se comporter. Les punitions tombaient souvent : l’enferment dans la chambre avec pour seule compagnie des livres sur le monde et les savoirs que tout enfant devaient connaître. Les surveillants passaient pour vérifier que les enfants n’en profitaient pour se prélasser dans leur lit. Plus l’enfant désobéissait plus la sentence était lourde : pas dessert au départ, pas de récréation, extinction des feux plus tôt, quarantaine dans la chambre, confiscation des rares loisirs qu’ils pouvaient avoir. Oui, l’éducation des Richards ressemblait plus à une prison. Les enfants en bas âge n’avaient pas de volonté il était facile alors de les éduquer. Ce fut le cas de Johanne.

Cependant la petite fille vécut aussi la persécution des autres enfants de la famille. On la traitait de fausse enfant. L’enfance est bien ingrate et cruelle. Son refuge fut la peinture et les écrits dont elle montra un certain don mais aussi une échappatoire. Johanne se voyait souvent malmenée par ses cousins mais aussi par les adultes sans que son père ne le voit. Elle entendait souvent des « Tu es la tare de la famille, cela vient de ta mère.», « Personne ne t’aime. ». Difficile pour une enfant qui n’a pas de repères autre que bien se comporter. Mais plus elle grandissait plus elle voulait fuir cet univers de malheur. Elle s’éloignait des autres, s’enfermait dans sa bulle pour les ignorer, pour ne plus faire attention à eux ce qui ne marchait guère car cela énervait davantage ses camarades. Mais elle avait sa fierté, elle ne voulait pas perdre contre eux. Elle travaillait d’arrache pied entre les injures et l’aveuglement de sa famille. Mais parfois elle craquait, elle était humaine après tout. Elle se jetait sur la moindre chose mangeable ou déversait ses peines dans ses tableaux.

Johanne commença à se rebeller vers ses 15 ans. Elle était téméraire et préférait vivre dans son coin, dans son monde, loin de la population et ses souvenirs d’enfance. Elle ne supportait plus rien. Ce n’était pas si violent. Au quotidien s’ajoutait des joutes verbales des plus acerbes où la jeune fille se retrouvait souvent dans cette salle sombre. Quand les gouvernantes et même son père virent qu’elle n’obéissait pas. Pourquoi ? Simplement parce qu’elle n’appréciait pas les règles de les membres de la bourgeoisie et les règles de base de son éducation : l’apparence, la surcharge de travail, l’hypocrisie et l’égocentrisme des personnes qui l’entouraient, dont son propre père. La métisse se sentait emprisonnée dans une cage dorée. Oui pour certains d’entre vous, cela peut paraître cliché mais pour elle, c’était une vie amère et sans amour.

Ce fut pourquoi son père, sachant que la famille Richards risquait de déshériter l’adolescente, décida de la congédier au Japon, loin de tout. Pourquoi ce lieu ? Tout simplement pour faire changer d’air sa fille mais aussi parce que depuis la mort de Rose. Il avait eu plusieurs aventures, quelques unes en Asie mais aussi une entreprise automobile sur les terres du pays au soleil levant. Ce fut pourquoi ce fut pour lui plus simple d’écrire sa fille dans un pensionnat, cadre sur pour son enseignement et son éducation. Elle vécut ainsi dans une famille d’accueil, les Akizawa, un vieux couple se sentant seul depuis que leurs enfants avaient rejoint le monde du travail. Johanne était méfiante mais se sentit rapidement à l’aise. Pour ne pas la perturber davantage, le couple Akizawa lui donna une année sabbatique. La vieille et douce femme, ancienne enseignante, l’aida à maîtriser le japonais ou du moins les bases alors que l’homme de la maison voulait développer le talent artistique de sa fille adoptive. L’adolescente eut du mal à s’adapter au changement d’environnement mais surtout de vie. Elle n’était plus l’enfant, née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Elle devait se débrouiller seule, découvrir le monde avec comme soutien ses grands-parents. Pour maintenir son niveau, sa grand-mère avait aussi demandé à des anciens collègues de passer pour aider Johanne dans ses études. Une fois qu’elle fut plus habituée au pays, à ses mœurs et surtout à la langue dont elle maîtrise les bases, Shiori et Ryuhei lui permirent d’aller rejoindre le pensionnat Rayen.