Une semaine s'était écoulée depuis sa confrontation avec Lulu. Sa blessure à la cuisse, bien qu'elle lui fasse encore très mal, avait cessé de le faire boitiller et commençait à se refermer. Lentement. Malgré la rumeur persistante qui circulait sur eux, la jeune fille semblait ne pas avoir l'intention de lui chercher des noises, et il était loin de songer à s'en plaindre.

C'était la fin de son dernier cours de la matinée. Il se leva avant l'heure et rangea ses affaires sans un regard pour le professeur qui lui criait de revenir car "le cour n'était pas finit", ce don il se fichait éperdument. Il crevait de faim depuis plus d'une heure et n'avait donc ni le temps, ni l'envie de l'entendre finir. Il ne prêta pas non plus la moindre attention au "spectacle" d'un couloir proche où des élèves semblaient se battre et s'isola à sa table habituelle. Tandis qu'il mangeait, il commença à se préoccuper de ce qui se passait dans le couloir en question, qu'il parvenait tant bien que mal à percevoir à travers la porte vitrée.

Derrière la masse compacte des élèves commères du coin, il discerna la silhouette élancée de Lulu, aux prises avec une jeune fille blonde qu'il ne connaissait pas mais qui semblait rivaliser en colère (et en violence) avec elle, et peut-être même en techniques de combat... Il hésitait grandement entre rester là à les observer et voir comment l'une et l'autre aller gérer la violence de leur adversaire et les arrêter avec qu'elles ne s’entretuent. Sauf qu'il n'avait pas fini de manger, et qu'il avait faim. Alors il ne fit rien et observa le spectacle, estimant qu'il pourrait toujours, si besoin était, intervenir plus tard.

La journée avait mal commencé... Réveil difficile, elle était arrivée en cours avec 45 minutes de retard. Cinquième retard de la semaine. Virée de cours. Elle était donc partie errer dans les couloirs pendant le quart d'heure restant, sans croiser qui que ce soit. La solitude était pesante, le quart d'heure en dura trois dans sa perception des choses. Quand elle retourna en classe pour le cours suivant, elle s'endormit au bout de 20 minutes tant son ennui était grand. Si le professeur ne le remarqua pas avant qu'elle ne se réveille, c'était sans aucun doute dû à la chance. Mio, elle, ne put constater qu'une chose : elle était perdue.
Totalement perdue.
Incapable de suivre le cours, malgré son intelligence, cours qui ne toute façon ne l'intéressait pas, elle finit par sortir des feuilles où elle griffonna des tas de théories qui auraient donné mal au crâne à un élève lambda. Les quatre heures de cours de la matinée s'écoulèrent approximativement toutes de la même manière. La fin des cours sonna comme une libération.
Sauf que rien ne semblait devoir bien se passer aujourd'hui.
Retournée à sa chambre, elle avait emprunté le mauvais couloir. On lui avait recommandé de ne pas passer par là, parce qu'une certaine Lulu Dixapel était en colère, et en conflit avec un élève de son cours actuel. Mio ne connaissait pas encore Lulu Dixapel. Mais ça n'allait pas tarder à changer.
Elle le regrettait déjà.

Petite devinette : que donne la rencontre d'une paranoïaque à réactions violente et d'une impulsive agressive qui parle avec ses poings ?

Ulrich Kirschten.. Son plan lui avait certes évité la colle, ce qui était d'ailleurs étrange, mais les élèves présents cette nuit-là avaient la langue bien pendue et lui avaient collé une rumeur sur le dos, une rumeur que même ses poings et ses pieds n'avaient pas suffi à faire taire. Et elle détestait ça.
Mais pour le moment, elle n'avait pas envie de se prendre la tête avec lui. Sa colère était retombée, et elle n'était pas assez stupide pour aller le provoquer sans raison : on ne se jette pas volontairement sur la lame d'un poignard. Surtout quand celui qui le tient sait très bien s'en servir. Elle avait donc décidé de le laisser en paix, pour l'instant.

Alors qu'elle sortait tranquillement de cours, un de ses camarades de classe la tira en arrière, la poussant dos à un mur, touchant ostensiblement ses hanches et ses cuisses sous le regard amusé des autres. Elle ne cherche même pas à cacher son dégoût.

-Il parait que c'est ça, ton truc avec Kirschten non ? Ca te dit pas d'essayer avec moi, aussi ?

Il tenta de l'embrasser. Malheureusement pour ses dents, la seule chose qu'il embrassa fut le poing qui atterrit dans sa mâchoire. Le jeune homme vola sur trois bons mètres vers la droite.

-Cette provocation volontaire, Kayoku, c'est la réclamation d'un suicidaire non ?

Elle ne prit pas la peine d'attendre sa réponse. Quand il se releva, elle voulut le frapper, mais il évita son qui de pied qui faucha une jeune fille juste derrière lui au niveau des genoux.

Cocktail explosif. Confrontation. Mio tomba par terre. Il ne lui fallut que quelques secondes pour comprendre que quelqu'un l'avait frappée aux genoux. Analyse, ma petite Mio....
Elle n'analysa rien du tout.
Sa main partit tout seule, saisissant au vol la cheville de celle qui l'avait touchée. Le temps que son cerveau termine de graver la mention [Agression] au fer rouge dans son crâne et la fille s’étalait à son tour au sol. Mio se recula rapidement. Peu de personnes acceptaient d'être jetées à terre, surtout les personnes colériques. Et elle sentait que cette fille était colérique. Elle se releva d'un bond.

Déjà, autour d'elles, quelques curieux s'approchèrent. Des murmures circulèrent. "Elle a frappé Lulu ?...", "C'est pas sensé être une intello, cette fille, à la base ?", "C'est un coup à détruire le bâtiment ça...", "Non, Asakura est aussi folle que Dixapel..", "C'est pas deux des filles les plus violentes du lycée ?".
Alors c'était elle, Lulu Dixapel ? Ceux qui la connaissaient la classifiaient apparemment de danger public n°1, de folle, de violente... Se ressemblaient-elles, tant que ça, pour qu'on leur attribue le même genre de réputation ?
Bah, peu importe. Elle se fichait de savoir qui était cette blondasse, à cause d'elle, elle allait avoir de sérieux bleus. Puis elle tenta de se raisonner. Elle ne l'avait pas fait exprès, peut-être. Après tout, elle n'était pas déjà en train de se battre quand elle l'avait frappée ? C'était bien ce qu'elle avait entendu. Tournant légèrement la tête, Mio aperçut un garçon qui s'enfuyait et poussa un soupir. A tous les coups, la véritable cible de ce coup de pied. Alors elle ramassa les livres qui l'avaient accompagnée dans sa chute et se redressa. Les gens murmuraient toujours, c'était mauvais signe. Interrompre cette fille en plein combat n'était vraiment pas recommandé, sans doute. D'un autre côté, elle n'y était pour rien, si son cerveau avait catalogué son coup de pied involontaire comme une agression préméditée.

Quel abruti ce Taisuke Kayoku ! A cause de lui, elle avait frappé quelqu'un qui n'avait strictement rien à voir avec leur conflit de base. Sauf que le quelqu'un en question semblait avoir une réputation aussi mauvaise qu'elle. réputation qui lui sembla parfaitement justifiée quand les doigts de la jeune fille se refermèrent sur sa cheville. Elles étaient toutes les deux caractérisée dangereuses et agressives aux yeux des autres élèves... Lulu oublia Taisuke Kayoku : elle détestait qu'on attrappe ses chevilles. La dernière fois qu'on lui avait fait ça, elle s'était cognée violemment derrière la tête. Elle en gardait une certaine amertume, une puissante rancœur et un très, très mauvais souvenir.

Elle se releva rapidement, grimaça un instant à cause du tournis qui la saisit puis attrapa le bras de cette "Asakura", si c'était bien son nom, et lui jeta un regard sanglant. Dangereuse, cette gamine ? C'est fou ce que les gens peuvent avoir peur pour rien... Lulu la lâcha et se recula, cherchant des yeux l'autre abruti qui en avait profité pour filer... Elle serra les poings. Ce genre de lâcheté la mettait totalement sur les nerfs. Mais il y avait ici présente une autre personne qui lui tapait sur le système.

-Ça, c'est pour ma cheville.

Elle pivota légèrement sur elle-même et frappa violemment l'autre à la mâchoire. Ça calmerait temporairement sa frustration d'avoir vu sa cible s'enfuir. Bien qu'elle se soit depuis longtemps promis de retrouver ce trouillard le plus vite possible. Et puis, on ne fait pas remonter des souvenirs désagréables sans contrepartie.

Ulrich termina son repas sans se presser, emportant une pomme qu'il fit sauter à répétition au-dessus de sa main. Il n'avait rien de prévu, aujourd'hui, alors il se contenta de marcher en jonglant d'une main avec sa pomme, peu décidé à la manger, et s'approcha de 'agitation du couloir. Comme il l'avait deviné de loin, c'était bel et bien Lulu qui se battait. Par contre, s'il ne connaissait pas la petite blonde qui l'affrontait, elle semblait elle aussi célèbre dans son genre. Discret comme une ombre parmi la foule, il évita un garçon qui s'enfuyait puis commencer à glaner quelques petites informations par-ci par-là pour en apprendre un peu plus sur le conflit entre les deux filles. Au fil de ses questions et de ses espionnages des conversations, il finit donc par comprendre que Lulu avait commencé par se battre avec un élève de sa classe, qui vu les commentaires sur son compte devait l'exaspérer assez souvent, et avait accidentellement frappé la deuxième fille, une certaine Mio Asakura, réputée pour répliquer en un quart de seconde. Et elles en étaient là, maintenant.

En écoutant les conversations, Ulrich comprit très vite que la grande majorité voulait que la petite donne un bonne leçon à Lulu. Peut-elle vraiment rivaliser ? Vu comme les gens se rassemblaient et semblaient concentrés sur le combat, cela semblait effectivement possible. Il y avait donc passablement quelqu'un capable de tenir tête à Lulu Dixapel sans se retrouver avec les os brisés au passage. Enfin, quelqu'un en dehors de lui, bien sûr. Curieusement, il ressentit une sorte de jalousie. Le plaisir d'être le seul à pouvoir s'en sortir, au moins un fois, indemne face à Lulu lui était à ses yeux réservé. Quoique, d'un autre côté, il devait être le seul à s'être battu autant de fois contre elle sans y laisser quelque chose. Et aussi le seul à la provoquer volontairement juste pour voir jusqu'à quel point elle pouvait être énervée.

On l'agressait. Oui, cette Lulu l'agressait vraiment, même en analysant la situation sous tous les angles. Mio avait donc parfaitement le droit de se défendre sans risquer de frapper quelqu'un par erreur. N'est-ce pas.
Oui, elle était en danger.
La technique d'esquive lui vint toute seule, comme un prodigieux réflexe. Elle accompagna en un quart de seconde le mouvement circulaire du poing pour qu'il ne fasse que l'effleurer, et frappa Lulu dans le bas du dos pour accentuer son élan et la projet contre le mur tout proche. Si dans ses yeux bleus brillait l'envie de meurtre habituelle, elle avait peur. Peur de se faire agresser, peur de se faire vraiment mal... Elle se battait contre quelqu'un de réellement dangereux, à écouter les murmures des élèves, ce qui était vraiment une première pou elle. Car en analysant, après coup, toute les situations où elle s'était retrouvée à se battre contre quelqu'un, le quelqu'un en question ne l'avait pas agressé volontairement et ne s'était pas vraiment défendu. Là, c'était différent. Comment avait-elle pu se retrouver dans une situation pareille ?

Dans le doute, Mio choisit d'empêcher Lulu de s'écarter du mur. Des mots, des méthodes apprises lui revinrent en mémoire. Retourner la force d'une personne contre elle-même lui permettrait de ne pas s'en sortir trop abîmée. Elle s'appliqua donc à immobiliser la jeune fille en mettant à profit la force brute qu'elle sentait pulser dans ses veines.
Et maintenant ?
Si elle bougeait, elle se ferait casser la mâchoire, si ce n'était plus. Et elle n'avait aucun intention de passer sa journée comme ça, il faudrait bien qu'elle bouge un moment ou un autre...

Su un barème de un à dix, sa colère devait atteindre au moins vingt. Cette gamine lui tapait sur les nerfs, et ces enfoirés de spectateurs aussi. Elle avait mal dans la bas du dos, en plus. C'est qu'elle frappait fort, cette petite garce ! Lulu lui envoya un violent coup de pied dans le genou, en guise de représailles, avant de se retrouver immobilisée sur le mur par un genre de miracle. Force brute contre force technique, hein ? Impossible. Autant qu'elle renchérisse avec ses propres techniques, alors, histoire que le combat soit à armes égales.
Elle analysa la méthode de Mio, se remémorant ses mouvements pour savoir comment elle l'avait bloquée et surtout comment elle pourrait s'en libérer. Hors de question d'utiliser la force brute, la gamine utilisait des techniques d'aikido, donc elle n'irait pas très loin. Elle finit par trouver un faille, fit glisser son poignet, pivota plusieurs fois jusqu'à réussir à inverser leurs places. Lulu plaqua la gamine contre le mur d'une seule main, croisant leurs regardes assassins, brûlant de rage.

Résister à la colère ? Elle n'avait jamais réussi et elle n'en avait pas envie... Elle détestait qu'on essaye de rivaliser avec elle, elle détestait qu'on la provoque, elle détestait qu'on la fasse tomber, elle détestait qu'on la frappe dans le dos, elle détestait qu'on lui résiste, et elle détestait déjà cette gamine...
Son poing partit tout seul. Il cogna la jeune fille au front, projetant sa tête en arrière contre le mur. La foule agglutinée recula d'un pas, puis d'un autre au seconde coup qu'elle donna. Elle continua, sous l'impulsion de la rage. Rage contenue depuis plus d'une semaine, qui lui hurlait de cogner, encore et encore, jusqu'à détruitre quelque chose qui lui mettait les nerfs à vif. Quelque chose ou quelqu'un, quelle différence ? c'était une mauvaise journée, comme tant d'autres.

Le combat avait commencé à dégénérer au premier coup que Mio avait donné, sa réplique. Frapper Lulu était une très mauvaise idée, surtout quand elle était déjà en colère. Et surtout si on la frappait dans le dos. Ulrich cessa de jouer avec sa pomme pour se frayer un passage, poussant doucement ceux qui l'empêchaient d'avancer. Il vit Lulu essayer de se défaire de la prise de l'autre fille et serra les poings. Tout ça allait mal finir, mais personne n'allait réagir, rien d'étonnant quand la douleur est passé aux yeux du monde de drame à spectacle... Il perçut très clairement le léger craquement du poignet de Mio quand elles échangèrent leur position. Puis les élèves commencèrent à comprendre l'ampleur du problème et la peur l'emporta sur la curiosité. Lâcheté. Personne n'ira l'aider. personne, vraiment ?

Quand le visage de la jeune fille commença à se couvrir de sang, ce fut au tour d'Ulrich de se mettre en colère. Quitte à s'enfuir, autant vous barrer tout de suite en courant au lieu de rester pour regarder quand même ! IOl laissa tomber sa pomme et se précipita au sain du combat, saisissant le bras de Lulu au vol. Il la retint au risque de se prendre encore des coups et, surtout, de se les prendre à la place de l'autre. De toute façon, tu passes ton temps à me frapper, un de plus un de moins..

« Arrête Lulu ! » cria-t-il « Arrête bordel, un jour tu vas finir par tuer quelqu'un ! ». Il serra les poings sur son couteau, prêt à le sortir pour arrêter un maximum de coups. Quelle idée à la con de jouer le grand sauveur justicier !

Elle n'aurait effectivement pas dû passer par ce couloir...
Lulu Dixapel était plus forte qu'elle. Elle maîtrisait plus de choses qu'elle. Elle était plus rapide quelle. Plus souple. Plus violente. Son crâne s'en souviendrait longtemps.
A chaque coup, elle craignait de sentir un de ses os se briser. L'addition des poings et du mur lui faisait l'effet de coups de marteau en pleine tête. Elle sentait sa haine, sa violence naturelle, gémit quand un coup de poing dans le nez fit couler du sang dans sa bouche, goût métallique qui se mêla au goût salé de ses larmes de douleur. Elle avait mal, elle voulait se rouler en boule dans l'immobilité. Réaction à l'agression : protection. Mio avait peur. Elle avait peur qu'aucun des moutons agglutinés de réagisse, que Lulu ne se calme jamais, que ses yeux se ferment assez longtemps pour qu'elle tombe dans les pommes...
Mais le coup qu'elle attendait ne vint pas.

Quand elle ouvrit les yeux, elle vit que Lulu était aux prises avec quelqu'un d'autre, un jeune homme détaché de la masse avec des cernes sous les yeux. Elle se laissa tomber à terre, allant se recroqueviller dans un coin pour finir sa crise de nerfs en larmes. son visage était en sang, elle s'en fichait. Son cerveau était encore passé en mode automatique, et faisait ce qu'il faisait une fois sur deux en cas d'agression : il l'envahissait de terreur. Incontrôlable, insensée. Ça ne l'empêcherait pas de trembler. Elle écouta les murmures de couloir. "Ce serait pas lui, Ulrich Kirschten ?" "Celui qu'on a surpris avec elle à moitié nue dans les vestiaires ?" "Ouais, le mc qu'elle se tape quoi..." "Tu crois qu'ils sortent ensemble ?" "Non, ça m'étonnerait, c'est pas le genre de U-crow de tomber amoureux d'une nana, même comme Lulu..."

En clair, celui qui venait de la sauver était un coureur de jupon qui couchait avec la fille actuellement en train de lui refaire le portrait. Sympas les gens du lycée. Vive le relationnel...

Rage, colère, violence gratuite... Sans savoir pourquoi, elle haïssait cette fille. Elle l'avait frappée dans le dos, tirée à terre par les chevilles... Oeil pour oeil, dent pour dent n'était pas assez puissant, pas assez violent... peut-être pas assez représentatif. En tout cas, son esprit n'avait pas d'emprise sur ses poings, il n'en avait jamais eu, et le sang qui commençait à colorer ses doigts n'y changerait rien. Pourtant, son bras fut arrêté en pleine course et une voix se leva, cette voix qu'elle commençait à entendre trop souvent.

-U-Crow... Tu n'en as pas marre de te mettre en travers de ma vie ?

Sa main gardait un souvenir cuisant de leur dernière rencontre, même si elle avait caché sa blessure au poing sous un gant de soie noire, consciente que les surveillants ne devaient surtout pas la voir. Et puis c'était de la faute de cet abruti congénital si cette foutue rumeur lui courait après ! Lulu dégagea violemment son bras et enchaîna d'un coup de coude dans le ventre, puis souleva son menton en allant murmurer à son oreille.

-Si tu t'avises d'essayer de sortir ce couteau, ce jour arrivera plus tôt que prévu.

Elle lui offrit son sourire le plus hypocrite, mais son regard ne pouvait tromper personne : s'il la blessait avec sa lame, elle le tuerait sans hésitation, ou si peu... Lulu se tourna pour jeter un regard empli de dédain à Mio. Pitoyable... Puis elle finit par jouer des poings pour s'éloigner, sans un regard en arrière. Ce n'était plus son problème.

Surprenant, il s'attendait à plus de coups que ça. Peut-être au moins un coup de poing au visage. Un simple coup de coude dans le ventre, c'était presque gentil venant d'elle. Enfin, je ne vais pas m'en plaindre... Mais il ne se faisait pas d'illusions : Lulu était assez intelligente pour savoir pourquoi il l'avait arrêtée, mais s'il avait fait l'erreur de sortir son arme pour l'empêcher d'agir, il se serait fait casser le bras. Elle ne l'avouerait jamais, mais il savait qu'elle avait peur des armes, ne serait-ce qu'un petit peu, ce qui l'arrangeait bien, lui. Il faut dire que leur première rencontre s'étant soldée en confrontation directe, elle avait de quoi en garder un mauvais souvenir.

Massant son ventre, il s'avança en boitillant vers la jeune Mio, toujours recroquevillée dans son coin. En douceur, il posa sa main sur son épaule. « Ça va ? ». Elle semblait anéantie et il n'avait jamais été doué pour réconforter les gens, il appela donc quelqu'un dans la foule en lui demandant d'emmener la jeune fille à l'infirmerie puis se lança à la poursuite de Lulu.

Dès qu'il parvint à la rattraper, il s'adossa contre un mur et réajuste sa longue veste noire. Par pure provocation, il jeta un regard plus qu'éloquent sur ses formes et laissa apparaître un sourire moqueur. « Tu sais que tu embrasses très bien ? ». S'il la provoquait ? Oui c'était effectivement son intention. Lulu l’intéressait beaucoup, à l’égal d'un nouveau jouet, il aimait bien tester laquelle de son impulsivité ou de sa pensée aurait le premier réflexe. Au pire, il courait de toute façon plus vite qu'elle donc, si ça tournait au vinaigre, il n'aurait qu'à s'enfuir.

Mio frissonna. Comment faisait-il pour ne pas avoir peur, pour ne pas réagir ? Elle venait de le menacer de mort, ouvertement, bien qu'elle l'ait fait à voix basse. Mio avait appris à se concentrer pour n'entendre que ce qu'elle voulait entendre. Et ce "U-crow" demeurait totalement impassible, comme si être menacé de mort ne lui faisait ni chaud ni froid.
Comme s'il avait l'habitude.
Pouvait-on réellement s'habituer à ça ? Elle se replia encore plus sur elle-même au regard de Lulu. Calme-toi ma petit Mio, reste calme. Ce n'était pas, mais alors pas du tout, le moment de péter les plombs. Elle dut lutter pour ne pas se défendre contre le geste amical du jeune homme et se contenta d'un hochement de tête pour seule réponse. Par contre, elle n'eut aucun hésitation quand ses doigts glissèrent sur la taille du jeune homme pour lui subtiliser son arme. Elle avait deux mot à dire à Lulu, elle aussi, et dans le pire des cas ça lui faisait un moyen de défense à porté de main... Mio mit l'arme dans sa poche et le regarda s'éloigner à la poursuite de Lulu.
Désarmé.
Aucun remord, même s'il se retrouvait avec un bras en miettes à cause d'elle. Après tout, c'est lui qui était en train de courir derrière les problèmes. Les personnes qui l'avaient appelé la conduisirent à l'infirmerie, expliquant vaguement à l'infirmière pourquoi elle se trouvait dans cet état second de crise d'hystérie. Comme elle était incapable de contrôler son corps pour le moment, son esprit tournait à plein régime pour élaborer un moyen de faire comprendre à cette fille ce qu'il en coûtait de s'en prendre à elle. Ses doigts caressèrent la lame du poignard dans sa poche et un sourire satisfait se fraya un chemin à travers ses larmes de terreur. Oui, elle lui paierait ça...

[Fini pour moi ^^]

Il l'avait suivie pour se foutre d'elle ! A croire que c'était une grande passion chez lui de jouer avec sa vie ; entre ses armes, la drogue qu'il prenait (ou qu'il avait pris) sans doute et sa manie totalement anormale à s'attirer des ennuis. Masochiste ou suicidaire ? Lulu ne savait pas encore ce qui était le plus vraisemblable... Mais le regard qu'il posait sur elle était excessivement énervant, gênant même. Lulu fermant les yeux, lissant les plis de son débardeur noir en attendant qu'il arrête de la regarder. Crispée serait un mot faible. L'inconvénient de porter des vêtements moulants...

-Mon cher Ulrich, la seule et unique chose qui tu pourras avec l'occasion d'embrasser ici dans ta misérable vie, c'est mon poing.

Il le faisait exprès. Il le faisait forcément exprès. Être aussi abruti n'était pas humain. Elle ne l'avait pas embraser, ce n'était qu'un rôle pour ne pas se faire coller, ce qui n'était d'ailleurs pas la meilleure solution du monde, et il le savait très bien. Il la provoquait... Il cherchait à la mettre en colère ? Lulu s'efforça de desserrer les poings ; elle ne lui ferait pas ce plaisir...

Le couloir était vide depuis que la reprise des cours aurait sonné. Bien que cela aurait pu être un échappatoire bienvenue, elle n'avait aucun motivation pour travailler, et encore moins pour rester posée sur une chaise pendant une heure ou deux. Trop long, trop chiant, trop prise de tête. Elle préférait de loin se prendre la tête avec ce crétin. Ils étaient seuls, donc.

-Qu'est-ce que tu me veux ?

Embrasser ton poing ? Sans façon, je m'en passerais volontiers. Il tenait encore à ses dents pour le moment. Tu ne veux pas te mettre en colère ? Alors sa volonté de lui taper sur les nerfs était plus forte que sa tendance naturelle aux pétages de câble. Intéressant. Tu progresses ma petite Lulu. Elle le détestait toujours, mais ça changerait. Dans longtemps peut-être, mais ça changerait. « Ce que je veux ? Tu préfères la version directe ou la version poétique ? ».

Il ricana, d'un rire moqueur qui n'aurait pas plus à grand monde. Ulrich se décolla du mur et fit trois pas vers elle, saisissant une de ses longues mèches blondes. « C'est toi que je veux, Lulu, tout simplement » susurra-t-il près de son oreille. Puis il recula, prêt à éviter un possible coup, toujours sans perdre son sourire. « J'aime te mettre en colère, c'est toujours très amusant. Mais je crois que l'autre soir, j'ai découvert en quelque sorte un jeu et une idée tout aussi intéressants ». Allez mets-toi en colère ma belle, tu es encore plus jolie quand tu t'énerves !

Il remarqua à cet instant précis que son couteau ne se trouvait plus dans sa poche et son sourire vacilla quelques secondes. Comme il ne pouvait pas tomber, il en déduisit que quelqu'un l'avait volé. La petite blonde de tout à l'heure, sans doute. Quelle petite garce ! Ulrich s'efforça de garder sa fierté et sa prestance, malgré la peur qui commençait à lui serrer l'estomac. Il ne fallait surtout pas qu'elle s'en aperçoive, c'était son seul moyen de pression. Si elle se rendait compte qu'il ne l'avait plus, elle n'hésiterait plus à la frapper, et sa menace se réaliserait un peu trop tôt à son goût.

Le tuer... Elle voulait le tuer. Lui casser un bras pour qu'il ne puisse pas attraper son foutu couteau à la noix. Peut-être qu'un coup dans la mâchoire le ferait taire ?..

-Tu es exaspérant. Exaspérant et insupportable. Et abruti avec ça.

Elle l'aurait bien frappé, mais il semblait n'attendre que ça, ce crétin. La version directe ou la version poétique ? Ni l'une ni l'autre, elle voulait simplement lui ouvrir le crâne contre le mur le plus proche. Il était trop fourbe, il avait forcément une idée derrière la tête pour la provoquer comme ça. Elle avait beau dire, il n'était pas idiot, et elle le savait très bien. Manipulateur, insupportable oui, mais pas fou ou dépourvu de capacité de réflexion. Quoique parfois elle en doutait. Si elle le frappait, qu'allait-il faire ? Pouvait-elle consciemment prendre le risque de se blesser, alor que ça ne ferait que l'énerver encore plus et qu'elle avait des chances de le tuer ? Comme elle aurait pu tuer la gamine de tout à l'heure s'il n'avait pas réagi... Sa colère devenait de plus en plus incontrôlable mais elle s'empêcha de le cogner. Difficilement. Très difficilement. Encore plus difficilement quand il s'approcha d'elle. Elle voulut l'attraper, le serrer à la gorge et le balancer de l'autre côté du couloir... Elle se contenta de lui jeter un regard plus que significatif.

-Tu iras jouer avec quelqu'un d'autre si tu ne veux pas que je te brise les os. On verra si tu cours toujours aussi vite quand je t'aurais pété une jambe.

Mine de rien, elle avait beau être championne d'athlétisme, elle savait qu'il courait plus vite que lui sur autant de distance. Étonnant l'effet des poussées d'adrénaline des insomnies conjuguées à celles de la peur...

Elle résistait à la colère ? C'était presque incroyable qu'elle tienne aussi longtemps. Il tâcha d'oublier qu'il ne possédait actuellement plus aucune assurance vie, glissa légèrement sa main dans sa poche comme s'il jouait avec le manche de son couteau. Elle devait y croire. Y croire jusqu'à ce qu'il trouve un moyen de la faire partir d'elle-même, puisqu'il refusait de fuir encore une fois devant elle. Allons bon, comment fais-tu pour te mettre toujours dans des ennuis pareils ?

« Et si je n'avais pas envie de jouer avec quelqu'un d'autre ? » murmura-t-il, presque dans un soupir. Après tout, elle était si amusante... Ses doigts se crispèrent. Il la désirait, il ne le cacherait pas. Ça n'était pas nouveau et sûrement pas près de changer, tant elle correspondait aux critères que son esprit avait fixés sans lui demander son avis. Lulu était belle, attirante même. Il la posséderait, même si pour l'instant elle n'était pas d'accord. Mais il fallait qu'elle cède d'abord, qu'il parvienne à affaiblir cette barrière qu'était sa colère, sa violence, sa tendance anormale à haïr les autres. Surtout lui, d'ailleurs.

Il s'approcha à nouveau, toujours prêt à reculer au moindre signe de violence, et posa sa main derrière sa tête, ramenant son visage près du sien jusqu'à l'effleurer. « C'est fou comme, d'ici, ça a l'air tellement plus intéressant que d'embrasser ton poing... » dit-il en passant légèrement sa langue sur ses lèvres. Il sourit, un sourire moqueur. Alors, combien de temps résisteras-tu à l'envie de m'envoyer ton poing dans la figure ? Qui de ta peur ou de ta colère finira par te dominer ?

Il attendit, presque trop calme alors que son sang battait dans ses tempes, reflet de sa panique intérieure. Il ne devait surtout pas la montrer, continuer d'afficher cet air sûr de lui, cet air fier et calme qui le caractérisait. Oublier qu'il était face à une fille dangereuse, à un problème à elle toute seule. Il s'efforça donc de garder son sourire, ce sourire mielleux qui l'exaspérait tant.

Il n'avait pas envie de jouer avec quelqu'un d'autre ? Ben voyons. Elle n'avait pas envie de jouer du tout. Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'il disparaisse le plus possible de sa vie, de son entourage. Partager la même chambre lui suffisait amplement, le croiser et entendre son rire insupportable n'était pas dans la liste des choses appréciables. L'agacement qu'elle ressentait était presque palpable. Elle crevait d'envie de le balancer à l'autre bout du couloir quitte à se reprendre des heures de colle au passage. Quand il s'approcha encore, elle serra les poings. Un pas de plus...

Lulu ne prit même pas la peine de masquer la grimace de dégoût qui se dessina sur son visage lorsqu'il effleura ses lèvres de sa langue. Elle ne prit pas non plus la peine de retenir le coup de poing qui voulut le toucher à la mâchoire. Elle rata sa cible, poussa un sifflement agacé et lui jeta un regard noir.

-Dégage. Dégage avant que je t'arrache un oeil, Kirschten...

Blessée ? Tant pis. Qu'il la blesse si ça lui chantait, elle l'enverrait valser contre un mur avant qu'il n'ait le temps de lui faire beaucoup de mal. Elle le haïssait de plus en plus à chaque fois qu'il s'approchait d'elle. La simple idée de son existence lui donnait de profondes envies de meurtre. Elle s'efforça de se calmer un peu, retourna la tête vers lui. Pourquoi ne sortait-il pas son couteau ? Est-ce qu'il prenait toujours au sérieux sa menace voilée de tout à l'heure ?

Elle devenait violente, c'était mauvais pour lui. Il ne pouvait pas décemment continuer de jouer ainsi avec le feu. Elle était dangereuse, et il était d'autant plus dangereux de l'ignorer. « Un jour, ma petite Lulu, il va falloir que tu contrôles ce genre de pulsions meurtrières. ». Il se força à sourire malgré son angoisse grandissante et vint murmurer à son oreille : « A un certain niveau ça empiète sur ta beauté... ».

Il s'écarta d'elle et la salua d'une voix suave : « Sur ce, je vais m’éclipser. J'ai quelques affaire urgentes à régler. ». Bon, c'était faux, certes, vu qu'il n'avait pas l'intention d'aller en cours. Quoique, d'une certaine manière, récupérer son arme relevait véritablement de l'urgence dans la situation actuelle. Il s’efforça de s'éloigner d'un pas calme, tendant l'oreille au cas ou elle le suivrait, et se mit à courir dès qu'il passa l'angle du couloir. Cours... Cours aussi vite que tu le peux si tu tiens à tes jambes. Et prie pour qu'elle ne te suive pas...

De couloir en couloir, il parvint à atteindre l'infirmerie, où était allongée la gamine de tout à l'heure. Il en se préoccupa pas d'un éventuelle possibilité de traumatisme, il la saisit au col et la souleva : « Rends-le moi ! Tu as failli me faire tuer, pauvre conne ! ». La jeune fille lui jeta un regard vite dans lequel brillait un soupçon de peur. il n'y prêta pas attention et finit par mettre la main sur son couteau. Sans un regard sur elle, il le rangea dans sa poche et quitta la pièce.

Elle serrait tellement les poings qu'elle s'enfonçait les ongles dans la peau. Il ne dut l'état intact de son nez qu'à son mouvement de recul. Quelques secondes de plus et elle serait incapable de s'empêcher de lui casser au moins trois os, malgré la menace de son couteau. L'avait-il seulement sur lui ? Oui, il ne le quittait jamais, après tout...

-Tu as très exactement dix secondes pour disparaître de ma vue...

Heureusement pour lui, elle le perdit de vue à l'angle du couloir et finit par décider de ne pas se lancer à sa poursuite. Ce fut le mur _ pauvre mur_ qui subit la colère qu'elle retenait depuis une dizaine de minutes. Dans un accès de rage, elle envoya un violent coup de poing qui traça une marque visible dans la matière friable. Et accessoirement fit rougir ses phalanges du fait de la puissance du choc. Bah, ça n'avait pas tellement d'importance.

-J'aurais ta peau, Kirschten...

Incapable de reprendre une activité normale dans l'état où étaient ses nerfs et avec le taux d'adrénaline qu'elle avait emmagasiné, elle s'assit au pied du mur et fixa le plafond, serrant et desserrant les poings pour évacuer sa colère. Elle le haïssait, purement et simplement, cet imbécile, ce sale parasite décérébré qui semblait n'avoir pour seul et unique but que de lui pourrir l'existence, et ce depuis la toute première fois qu'il l'avait vue. Combien de temps devrait-elle supporter le simple fait qu'il ait eu l'idée idiote de commencer à respirer un jour ?