« Saloperie, saloperie, salopeeeeeeeee-riiiie ! Et merde… »
C’était fait : tu avais perdu. Tu soupirais, évacuant une sorte de stress qui t’enveloppait depuis quelques minutes. L’idée de jouer à ce jeu en classe t’avais traversé l’esprit, mais rien ne t’avais obligé à sortir ta console de ton sac. Dissimulée derrière ton livre dressé tu essayais de ne pas faire trop de bruit. L’envie te torturait pourtant. Tu avais envie de parler, bouger, gémir comme tu le faisais habituellement. Mais l'environnement te l’interdisait.

Et quel environnement d’ailleurs ! Une espèce de bande de gros dormeurs flemmards du Mardi ! A ta droite, tu voyais un blond qui dessinait sur son cahier. Un blond ? A droite ? Tu arquais un sourcil : tu n’avais jamais été voisine de gauche d’un blond. Le nez subitement relevé, tu t’apercevais enfin que tu n’étais pas dans la bonne classe. Il te fallut bien cinq minutes pour te rappeler que tu étais ici sur proposition du professeur de géographie qui, suite à tes récents résultats, t’avais proposé de participer à un cours du niveau supérieur au tient. Et maintenant, ça te revenais encore mieux : les cours de dernière année étaient encore plus ennuyants que les cours de seconde année. A nouveau, tu lâchais un profond soupire.

Pourtant, le cours touchait à sa fin. Tu étais là depuis plusieurs heures déjà. A vrai dire, tu n’avais pas bougé depuis le cours de couture de quatorze heures. Trop peu d’énergie pour cela. Tu plongeais ton regard dehors. Un oiseau était en train de faire son nid. Tellement plus passionnant que ce cours inutile… Tu te demandais ce que tu faisais ici. Après tout, tes résultats étaient plutôt excellents quand tu te décidais à travailler sérieusement. C’était d’ailleurs ce qui te poussait à sécher certains jours de la semaine. Toi, ce que tu aimais, ce n’était pas la géographie et le japonais : c’était les jeux-vidéo, la musique, les animes et le cosplay. Inconsciemment, tu cherchais une nouvelle idée de cosplay à réaliser. Quelque chose de compliqué au possible : il fallait que ça t’occupe un maximum de temps.

Une parole idiote te sortit de tes songes. Quel idiot avait bien pu sortir une affreuseté pareil… C’était impossible que…

« Quelque part entre la Russie et les Etats-Unis, je dirais. »

Il aurait mieux fait de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler celui-là… Tu ne l’avais jamais vu encore. Sans doute un de ces petits nouveaux qui pensaient se rendre intéressant en faisant les idiots. Hm. Tu détournais ton regard de lui pour le reposer sur ta console. Gumi serait peut-être quelque chose de pas trop mal… Hmf. Trop facile.

« Personne ne sortira tant qu’il n’y aurait pas un ou une volontaire. »

Ah bon ? On était dans une dictature maintenant ? Un régime totalitaire ? Mussolini ? Staline ? HITER ?! Ta tête tomba lourdement sur ton bureau. Et zut… Les regards se tournaient vers toi. Ils semblaient te découvrir, personne ne te connaissais ici. Faut dire que tu n’avais pas croisé grand monde. Et dire que ça faisait déjà un an que tu étais arrivée.

« Mademoiselle Skimoh ? Un commentaire ? »
« Hitler-est-mort-en-1945- ! Hitler-est-mort-en-1945- ! Hitler-est-mort-en-1945- ! »

Tu relevais doucement la tête, te désintéressant totalement de ce que pouvait bien dire le professeur. Elle te regardait : la colère se lisait dans son regard. Elle, elle n’allait pas tarder à te virer. Tu l’avais cherché, tu venais de l’assimiler à Hitler tout de même… La sonnerie retentie. Les autres élèves commençaient à chahuter dans une ambiance pesante. Tous les regards se tournaient vers toi, puis vers lui qui ne savait même pas où se situait… Se situait quoi déjà ?

« Eh bien, Mademoiselle Skimoh. Puisque vous semblez si intelligente. Aidez donc Monsieur Winters à faire son devoir sur les transformations écologiques de la planète depuis sa création. Les autres, vous pouvez sortir. »
« Pardon ? »

Les yeux globuleux, tu regardais le professeur comme si elle venait de t’annoncer une sentence des plus terribles. Non seulement, elle t’obligeait à participer à son cours aussi pourri qu’une poire qui a un mois mais en plus, elle te collait en tant que donneuse de cours de soutient à un véritable cancre. Tu étais maudite.

Alors, la salle se vidait. Tu restais là, assise sur ta chaise. On commençait tout de suite en plus ? La console dans les mains, tu replongeais dans une partie de ce jeu si captivant. Tu ne lui adressais même pas un regard.

« Ça se paiera. J’vais pas pouvoir coudre à cause de toi. Franchement, c’pas compliqué de lever à tête. T’avais pas vu qu’il y avait une carte au-dessus du tableau ? Même les plus idiots savent ça. »

Sans bouger les yeux de ta console, tu déplaçais tes affaires de façon à te mettre face à lui.

« Sort de quoi écrire. Tu l’boucles ce soir ton truc. Pas question que je perde une semaine de couture et d’anime juste pour toi, Winters. »