Selon Keiko, il n'y avait pas de bêtises plus graves que d'autres. Elles étaient juste perçues de manière différentes par le 'reste du monde' à savoir les gens à peut près normaux qui ne mangeaient pas des bonbons à longueur de temps, qui ne faisaient pas le mur pour aller se promener en ville la nuit où qui préférait la compagnie des autres êtres humains à celle de ordinateurs. Peuh! ceux là n'avaient aucune fantaisie et finiraient leur vie en l'ayant passée à suivre scrupuleusement les règles de la société bien pensante. Ce n'était pas exactement la manière de penser de son père adoptif qui, après quelques séjours de durées variées en résidence surveillée avait décidé du jour au lendemain de s'assagir. Si un homme adulte pouvait en galérant se repentir et devenir un honnête citoyen, il n'en allait pas tout à fait de même pour sa fille qui, écumante de rage, arpentait les couloirs après avoir reçu un nouveau coup de fil incendiaire de sa part. Oui, elle avait séché les cours pendant tout un mois. Oui, son casier judiciaire prendrait un bottin entier s'il n'était pas intervenu en sa faveur, oui, elle lui devait beaucoup. Mais NON il ne réglerait pas sa vie dans les moindres détails. S'il voulait finir son existence à nourrir les canard au bord d'un lac, tremblotant dans un fauteuil roulant grand luxe, si encore ça lui chantait d'être prix Nobel de la paix, c'était encore son choix, son affaire. Hors de question pour la jeune fille de changer son train de vie explosif. Pourtant, même en sachant ça, il lui avait lancé un ultimatum: soit elle changeait d'attitude et devenait une petite fille modèle (beuuhh!!) soit il lui coupait les vivres. Bon, il ne s'était pas prononcé exactement dans ces termes mais dans ses oreilles, ça résonnait exactement de la même manière. Elle avait passé les dernières semaines à faire les quatre cent coups en ville, ne remettant les pieds au pensionnat que pour manger quand ses réserves (pourtant assez impressionnantes) de sucreries en tout genre menaçaient de s'épuiser, où plus souvent pour recharger son portable. Autant dire que sa présence en cours avoisinait le 0%. Un mince sourire haineux naquit sur son visage tandis qu'elle repensait aux différentes alternatives qui s'offraient à elle.

Même en tournant le problème dans tout les sens elle ne trouvait rien qui lui convenait. Et s'il y avait bien une chose parmi tant d'autre que Keiko ne supportait pas, c'était de se retrouver bloquée sans autre alternative que deux choses qui ne lui plaisaient pas. Elle réajusta sa sacoche et chercha dans ses poches à la recherche d'une quelconque douceur à se mettre sous la dent. Dépitée, elle exhuma quelques dragibus collants et un petit sachet de mashmallow. Pas de quoi faire une collation décente. La jeune fille s'adossa deux minutes contre un mur pour réfléchir à ce qu'elle allait faire: monter sur le toit pour y passer le reste de la journée où bien aller faire un tour au réfectoire pour se chercher autre chose. Il était trop tard pour ressortir s'acheter quelque chose. Elle continua donc à avancer, sans but précis déterminé, la rage au ventre et une envie grandissante de se faire les crocs sur quelqu'un. Sûr que si à ce moment précis un autre pensionnaire passait dans le couloir et agissait de manière déplaisante envers elle, il se retrouverait avec quelques bleus et le bras tordu...Keiko tenta de se calmer et engloutit ses bonbons et retrouvant un rythme de respiration plus régulier.

*Je pourrais peut être rentrer au dortoir. Finalement, il n'y a pas grand chose à faire d'autre...*

Elle avait réussi à redevenir à peut près zen et son allure diminuait. Pourquoi ne pas essayer de faire plaisir u paternel après tout? Ce serait un excellent moyen de calmer la tempête pour recommencer ses frasques deux trois mois plus tard sans être inquiétée autrement que par de longs monologues sur l'étiquette, la politesse et l'assiduité en cours, téléphoniquement s'entend. Mhh...

*A méditer*

Keiko se laissa tomber sur le sol, le dos appuyé contre le mur et en profita pour terminer ses provisions. Autour d'elle, tout continuait normalement, comme avant, sans que personne n'ait l'air de remarquer sa présence. C'était très bien ainsi...La solitude lui convenait assez bien jusqu'à un certain point. Certains jours, la jeune fille ressentait le besoin de discuter pendant des heures, d'autres c'était plutôt la retraite en ermite au fond de sa chambre à attendre que son humeur vire autrement sans aucune explication logique. Une vraie girouette!
La journée était belle et c'était peut être cela qui la mettait en rage: devoir rester enfermée alors que dehors le soleil brillait. D'un geste distrait, elle lissa les plis de sa mini-jupe à carreaux écossais et prit ses écouteurs dans son sac. Enfoncés dans ses oreilles, ils diffusaient une musique aux sonorités assez remuantes (System of a down) à un volume assez élevé. C'était un moyen comme un autre de se relaxer même si ça consistait à rester assise en plein milieu du couloir. Mieux quand même, vous en conviendrez que de se passer les nerf sur quelqu'un...

Keiko était un peu abasourdie. Quelqu'un venait de lui adresser la parole. Pas un représentant de la loi ni une des fréquentations douteuses par qui les ennuis arrivaient. Une personne apparemment censée à l'air vraiment gentil parlait. Quelqu'un lui parlait... Tout d'abord, elle ne daigna pas retirer ses écouteurs. Elle n'avait pas vraiment entendu ce qu'on lui disait et se demandait si ce n'était pas une erreur. Ben ouais, la plus part du temps, la jeune fille s'isolait un maximum, décourageant toute tentative de conversation. Elle avait baissé sa garde trop longtemps, emportée par les notes de sa musique, complétement coupée de ce qui se passait autour. Keiko leva la tête et retint l'autre par sa jupe: c'était tout ce qu'elle avait trouvé où s'agripper. Son estomac faisait une symphonie aussi diverse que peu ragoutante de bruits en tout genre pour signifier le vide dramatique qui l'emplissait. Avec un peu de chance, Makino, c'était son nom, accepterait de l'aider à trouver le chemin de la cafet'. A force de marcher dans les couloirs sans aucun objectif, elle avait fini par s'égarer, rapport à son légendaire sens de l'orientation. Ses yeux jaugèrent l'adolescente qui ne se retournait toujours pas et elle finit par se convaincre que c'était quelqu'un de sympa et que sa gentillesse n'était pas feinte. Toute a colère évanouie, elle chercha un moyen d'expliquer son problème et de se présenter à son tour sans trop bafouiller. Toujours pas revenue de sa surprise. Si son caractère était reconnaissable entre tous, son style vestimentaire lui restait sobre la plus part du temps. Il y avait bien des jours où il lui prenait de s'habiller de manière extravagante mais aujourd'hui, elle voulait se fondre dans la masse, comptant sur son humeur de chien pour ne pas se noyer dans la foule et finir comme tout ceux qui, depuis qu'elle s'était assise, passaient dans le couloir, semblables en tout point, sans un grain de fantaisie ni d'originalité. Cette fille en revanche lui donnait l'impression tout à fait inverse.

«Salut. Moi je m'appelle Keiko. Mais si tu as la flemme, tu peux tout simplement ne pas m'appeller du tout»

Elle sourit de toutes ses dents, se releva et retira ses écouteurs pour entendre la réponse. Et puis parler aux gens avec des écouteurs dans les oreilles ça ne se faisait vraiment pas! Encore moins quand on voulait se tenir à carreaux et faire bonne impression...Dans la limite du possible. Keiko restait Keiko et même en faisant des efforts surhumains, son caractère ne changerait pas si facilement.

«Dis tu n'aurais pas, je sais pas moi, des biscuits où quelque chose à grignoter? Je n'ai pas beaucoup mangé ces derniers temps...»Depuis le déjeuner de la veille plus exactement. A part ses éternels bonbons, Keiko n'avait rien avalé de solide depuis ce temps là. Demander à bouffer même a une personne qui avait l'air aussi gentil que Makino la mettait sur les nerf. Ça lui rappelait des trucs pas vraiment marrants de sa vie d'avant qu'elle aurait voulu oublier plus que tout. Ses yeux s'assombrirent l'espace de deux secondes et elle retrouva un agréable sourire plutôt représentatif de son état d'esprit si on mettait de coté cette petite demande, ressentie de sa part comme une humiliation et qui faisait figure de nuages d'orage sur le ciel bleu.

«Désolée de te déranger...»

S'excuser plus souvent et en y mettant le plus de sincérité possible faisait aussi partie de son programme du jour...qui ne tiendrait surement pas jusqu'au soir mais ça lui donnait bonne conscience d'avoir des objectifs, même totalement idiot où impossibles à atteindre dans son cas.

«J'te revaudrai ça!»