Débarquement

_ Bon, ok, je sais, je noies personne ! cria Saeko en claquant la portière du break familial avant de faire un petit signe de la main à ses parents, visiblement un peu inquiets de la laisser.
Son renvoi, ils ne l'avait toujours pas digéré. En fait, c'était plutôt la raison de son exclusion qui passait mal. Se battre, c'était déjà mal vu. Mais que la bagarre, où Saeko avait largement eu le dessus, finisse dans les toilettes où, pour calmer sa rivale, elle l'avait un peu noyée, ça, c'était un peu trop dur à avaler, pour eux. Depuis qu'elle avait été acceptée à Reyan, la jeune fille avait eu le droit à de longs laïus sur le fait que, si elle voulait se faire des amis et éviter que sa mère ne meure d'une attaque, elle avait plutôt intérêt à ne noyer personne. Maintenant encore, en arrivant devant le pensionnat, elle y avait eu le droit.
Saeko soupira. Elle n'était pas un monstre, non plus.

Elle regarda la voiture partir en resserrant un peu son manteau au niveau du cou. Il ne faisait pas chaud, aujourd'hui, mais la fermeture était bloquée et refusait de monter entièrement. Pour couronner le tout, elle avait oublié son écharpe en partant de chez elle...
La jeune fille fouilla dans ses poches pour pêcher son paquet de cigarettes. Ca réchauffait pas forcement, mais ça faisait du bien quand même.
Elle sorti distraitement une blonde de son paquet, regardant sur le trottoir son amas de valises et sacs de voyages. En fait, ce spectacle était plutôt déprimant. Saeko se pensait capable de voyager plus léger et à ses pieds, le constat était plutôt évident.

_ Enfin, le plus triste, là dedans, c'est que je vais galérer pour traîner tout ça... J'y avais pas pensé, quand j'ai dit à papa que j'avais pas besoin d'aide. Ca m'apprendra, tiens...

Saeko porta la cigarette à ses lèvres, retournant fouiller ses poches à la recherche du briquet. Recherche qui se révéla infructueuse.

_ Ah non, ça, ça va pas le faire, râla la jeune fille en ouvrant son manteau pour regarder le contenu de ses poches intérieures. Mais elle se fit une raison, elle n'avait pas son briquet. A tous les coups, il était tombé dans la voiture. Mais ses parents étaient déjà loin, maintenant.
Saeko envoya un coup de pieds dans la valise la plus proche avant de se laisser tomber sur son tas de bagages avec un profond soupir.

*Ca commence bien, dis donc... Pas de feu, et pas assez de bras pour tout porter à l'intérieur. Je crois qu'on peut dire que je suis ravie. J'ai plus qu'à prier le Dieu des noyeuses de chieuses pour qu'il me vienne en aide...*

Se redressant sur ses valises, Saeko mit les mains en porte voix et hurla vers le ciel :
_ Allez, sois sympa et fais moi pousser un ou deux bras de plus, ou si c'est trop pour toi, envoies moi quelqu'un pour m'aider !
Puis elle se mit à rire, ne sachant trop si elle allait attendre son miracle ou juste la pluie pour se motiver à rentrer tout son barda...

_____

J

'étais en train de marcher, tout détendue. Je ne savais pas quoi faire, quoi penser... J'avais une écharpe grise, un long manteaux noir et des collants de la même couleur, ou plus clairs, peu importe, j'avais bien chaud avec. Je faisais les cents pas et ne m'arrêtais que pour faire demi-tour. Quelques mètres plus loin encore, j'aperçus une silhouette inconnue. Je m'avançai vers elle car elle apparaissait au sol, entourée de bagages ou je ne sais quoi encore. Une adolescente, encore. Elle avait l'apparence athlétique et une certaine manière de se comporter, comme un garçon manqué. Mais pour dire une telle chose, je ne la connaissais pas du tout. Peut-être avais-je déjà entendu de cette nouvelle venue, alors je lui adressai la parole pour faire plus ample connaissance:

« Tu veux que je t'aide ? Ça n'a pas l'air facile de porter tout ça, dis-moi. »

_____Je m'avançai encore vers elle, après m'être arrêtée en prononçant cette dernière phrase, puis me baissai légèrement ensuite pour lui tendre la main. Je commençai déjà à me présenter pendant qu'elle me regardais, à terre.

« Je m'appelle Tracy. Tracy Helena, pour préciser. Bienvenue au pensionnat. »

Saeko mâchonnait le filtre de sa cigarette, un petit sourire aux lèvres, regardant les nuages quand elle entendit quelqu'un venir. Tournant la tête, elle vit une jeune fille qui s'approchait. Elle qui venait de demander de l'aide à son Dieu perso, aurait-elle été entendue ! Sous le coup de la coïncidence, elle ne put retenir un petit rire. Surtout quand l'inconnue lui proposa son aide. Saeko se dit qu'elle irait faire une offrande à son Dieu dans les toilettes du pensionnat à la première occasion pour le remercier.
Se redressant un peu plus sur son tas de bagages, Saeko lui sourit, reconnaissante :

_ Hey, c'est gentil à toi de proposer. J'avoue que je pensais pouvoir me débrouiller, mais j'ai mal estimé la situation. Je voyais moins de bagages, quand on les a chargées dans la voiture...

Saeko donna une pichenette à la visière de sa casquette la repoussant un peu sur l'arrière de son crâne pour mieux voir son interlocutrice, et saisit la main que l'autre jeune fille lui tendait en se présentant.

_ Ravie de te rencontrer Tracy, moi c'est Saeko. Fraîchement débarquée, comme tu peux le constater ! Et en pénurie de feu, optionnellement, ajouta-t-elle malicieusement. Est-ce qu'en plus d'être une aide providentielle tu aurais aussi de quoi combler mon manque de nicotine ?

L'adolescente se releva et regarda d'un oeil critique le tas de bagages. Une valise de taille olympique et trois sacs de voyages plutôt imposants en plus de son sac de cours. Non, franchement, elle se désespérait elle-même. Elle poussa un petit soupir de consternation et referma son manteau pour se retourner vers Tracy, un petit sourire gêné aux lèvres :

_ Je te propose de prendre la valise, c'est pas forcement la plus légère, mais elle à des roulettes... Tu y perdra peut-être un bras, mais tes épaules seront sauves ! En tout cas, merci beaucoup pour ton aide, c'est vraiment sympa.

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A

pparemment elle était une gentille demoiselle, avec un joli prénom. Dès la première vue, elle se montrait sympathique, j'aimais bien cela. Elle se releva de façon athlétique en empoignant ma main et me dis que j'étais une aide providentielle. Mais c'est-à-dire ? Elle aurait fait appelle pour qu'on l'aide ? Super, j'aimais bien être prise pour Dieu en personne, ironiquement. Enfin, ce que je voulais dire, c'était que j'appréciais le fait que je puisse vraiment aider au bon moment.

« Nicotine ? Désolée, je n'en ai pas. A vrai dire je ne fume plus depuis que j'ai... depuis que je suis arrivée ici, en fait. » lui répondis-je à sa question.

_____J'attrapai une mèche de mes cheveux s'enfilant discrètement entre mes lèvres et la déplaçai dans le reste ma chevelure. C'est après que Saeko ce soit relevée que je me rendis compte de la tonne de bagages qu'elle avait emmenée jusqu'ici. Une grande valise et des énormes sacs, sans oublier son sac de cours...

« Je suis très sûre que ce n'est rien par rapport à ce que tu devras emmener pour retourner chez toi. C'est toujours comme ça, t'as toujours moins d'affaires à emporter qu'au retour... Vraiment, je ne sais pas comment tu as fait pour porter toutes ces affaires jusqu'à maintenant et ici... »

_____Suite à cette phrase, je pris la valise qu'elle m'avait proposé de prendre. Ce n'était vraiment rien par rapport à ce qu'elle osait porter, elle.

Comme Tracy n'avait pas de feu sur elle, Saeko se décida, un peu à contre coeur, à ranger sa cigarette dans son paquet. C'était dommage, mais tant pis, elle aurait l'occasion de fumer plus tard. Quelqu'un aurait bien un briquet ou des allumettes, dans ce pensionnat. Quand elle voyait la taille du bâtiment, elle se disait que ça serait bien de la malchance si parmi tous les élèves qu'il semblait pouvoir accueillir, elle n'en trouvait pas un qui fume. Pour l'instant, elle profiterait de la présence de Tracy. Et puis, de toute façon, elle fumait trop. Ca ne lui ferait pas de mal de s'accorder un petit sursis.

_ Hmm... Pour ce qui est des bagages, j'avoue que quand je suis partie, je pensais n'avoir prit le strict minimum vital. Quand on voit le tas que ça fait, maintenant, c'est vrai qu'on peut se permettre d'en douter, dit la jeune fille d'un air affligé. J'espère juste qu'il n'y à pas trop d'escaliers pour arriver aux dortoirs, sinon je sens que tu devras me faire rapidement visiter l'infirmerie !

Voyant que sa compagne empoignait courageusement la lourde valise, Saeko retroussa ses manches et ouvrit finalement son manteau. Elle allait avoir assez chaud en portant les sacs !
Elle passa la lanière du premier sur son épaule gauche, le laissant battre contre son flan droit et le second atterri de la même façon sur sa deuxième épaule. Comme son sac de cours était léger, comparé à ses autres charges (mais lui aussi, elle l'avait rempli autant qu'elle le pouvait), elle en passa l'anse autours de son cou pour qu'il tombe sur son dos. Puis, Saeko hurla un bon coup pour se donner du courage et prit le dernier bagage dans ses bras. La jeune fille se releva en titubant, très alourdie par le poids des sacs.

_ Je crois que nous pouvons y aller, Tracy ! dit-elle vivement en commençant à avancer pour mieux pouvoir supporter le poids des sacs. Je croise les doigts pour qu'on croise une autre âme charitable pour nous aider, sinon je ne donne pas cher de ma peau... Enfin, au pire, je perdrais les épaules, au mieux, je gagnerai des muscles !

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E

n la voyant porter ses lourds sacs, je me sentais gênée de ne pas pouvoir l'aider plus. Moi et cette valise roulante... c'était plus que facile. Je me demandais bien ce qu'elle avait emporté pour que ce soit autant rempli et pour qu'il y ait autant de bagages. Commençant le premier pas, il était certainement vrai que cette valise à roulette aussi était lourde. Je devais avouer ne presque pas réussir à la faire rouler, du moins correctement. J'essayais néanmoins de rester neutre, d'avoir l'air de faire rouler cette valise avec simplicité; je fixais alors le chemin qui nous menait vers le pensionnat en inspectant d'une main la poche gauche de mon manteau avec l'idée en tête de tomber sur mon téléphone portable. La poche était grande, il y avait de quoi y placer un bloc-note. Le bloc-note je l'avais oublié, il était resté dans ma sacoche, dans ma chambre, ou plutôt celle que je partageais avec Nyoko. Soudain, un objet encore inconnu se glissa dans ma main lorsque je continuais de fouiller l'intérieur de ma poche. Je découvris directement son aspect en le sortant de cette dernière. C'était un briquet. Et moi qui avait dis que je ne possédais absolument rien pour allumer la cigarette de Saeko.

« Oh, tiens, un briquet... Désolée mais j'ignorais moi-même que j'en avais un. » m'excusai-je en le lui tendant, suivi d'un sourire fin.

_____Je me souvins, ce briquet je l'avais volé à mon père il y a deux semaines. Il fallait dire que je n'avais pas mis cette veste depuis bien des jours. J'espérais que je n'allais pas recommencer à fumer, moi... Étais-je dupe ? Étais-je une ignorante ? Saeko allait bien avoir du mal à accepter ce que je lui tendis: elle avait les bras chargés, et les épaules prises...

La démarche titubante imposée par le poids des sacs de Saeko pouvait faire penser à celle d'une personne en état d'ébriété avancé et détournait un peu la jeune fille de l'itinéraire initial qu'elle avait pourtant pensé simple. En effet, le chemin semblait se rallonger à chaque pas, puisque Saeko, pour garder son équilibre, zigzaguait joyeusement.
Lorsque Tracy trouva un miraculeux briquet au fond d'une de ses poches, Saeko, déjà épuisée par les quelques mètres parcourus, se laissa tomber sans douceur au sol, ravie de ce prétexte pour se reposer quelques minutes :

_ Ah, mon Dieu, c'est définitif, je te ferai carrément un autel dans les toilettes ! hurla l'adolescente en retirant les lanières des sacs qui l'entravait. Tracy, je commence à croire que tu es vraiment une envoyée divine !

Portant aussitôt une cigarette à ses lèvres, avide de nicotine, Saeko prit avec une reconnaissance infime le briquet de Tracy avant de lui tendre son paquet pour lui en proposer une avant de se souvenir que cette dernière lui avait dit avoir arrêté de fumer depuis son arrivée au pensionnat.

_ Désolée, je propose par habitude, mais si tu es une fumeuse repentie, j'imagine que mon geste n'est pas très malin... C'est vrai que c'est dur d'arrêter, j'ai tenté mais ça n'a jamais été concluant, comme tu peux le voir.

Saeko alluma sa cigarette, posée de nouveau sur son tas de sacs, et de la main, invita Tracy à poser la valise et prendre place à ses côtés avant d'ouvrir un de ses sacs. Au milieux d'un tas de vêtements, un tupperware. La jeune fille venait de se rappeler que sa mère lui avait préparé une petite tonne de biscuits maison en cas de fringale, et comme Tracy ne fumait pas, une pause gâteau semblait un ersatz acceptable. En tout cas, sans doute plus qu'une cigarette.
Saeko ouvrit le bac et le tendit à Tracy avec un sourire amical.

Petite parenthèse hors RP :
Fumer, c'est très mauvais pour la santé, ne commencez pas ! ><

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J

e ne pouvais pas m'empêcher de rire ou même juste de sourire à ses paroles. Elles étaient ironiques mais bien plaisantes. Ce petit sourire restait coincé aux coins de mes lèvres. Lorsque Saeko me tendit son paquet de cigarette, je me suis dis: « Oula, elle veut que je fasse pareil ? Moi qui avais réussi à arrêter... ». Enfin, lorsque j'avais commencé je ne m'y suis pas véritablement attachée, c'est une bonne chose. Mais alors là, j'étais quelque peu tentée par cette proposition, et puis, je pensais que ce n'était pas un problème très grave, du moment que je n'en étais pas encore habituée. J'avais hésité, peut-être pour accepter cette petite offre en fait, mais non, je refusai aussitôt, gardant les mains inertes. Je lâchai la valise à roulette pour attendre Saeko et éventuellement pour reposer mes poignets qui avaient finalement peu souffert.

« C'est bien gentil de me proposer, même si c'est plutôt malin. Merci quand même. »

_____La cigarette entre les lèvres, Saeko l'alluma et je la joignis à ses côtés. Une deuxième offre m'était proposée, et là, regardant les gâteaux tendus par elle, je ne pouvais en aucun cas les refuser. De plus, j'étais plutôt de nature gourmande.

« Génial, merci beaucoup ! » lui remerciai-je, souriante à pleines dents.

_____Je me servis de deux biscuits disposés dans le bac et ceux-ci avaient l'air bien croustillants. Entre mes doigts fins je les grignotais doucement, telle une petite souris; C'était pour cela même que l'on me surnommait ainsi, quelques fois, car j'avais l'apparence d'une souris innocente, ou bien naïve. En compagnie de cette nouvelle connaissance fort sympathique, je pensais que j'allais bien m'entendre avec Saeko.