« Ringo-chan ! Ringo-chan ! »
A l’appel de son nom, la jeune blonde tourna la tête en direction de la personne qui l’appelait. Un homme, barbu, la soixantaine, les cheveux grisés par le temps, les mains usées au travail pourtant pas si éprouvant. Il faisait ce travail de barman depuis qu’il avait vingt ans. Laver, ranger, nettoyer. Même s’il avait quelques employés, pour certains assez doués, ses mains n’en restaient pas moins usés par le temps passé dans l’eau chaude, puis l’eau froide, par le nombre de verre qu’il avait cassé par erreur, par le nombre de steaks préparés dans sa petite cuisine qui avait pourtant vécu plein de choses. Le présent propriétaire de ce bar avait l’habitude de tout faire lui-même, de ne jamais faire appel à des spécialistes pour changer un tuyau usés ou encore réparer les câbles électrique qui se faisaient la male. Ringo, c’était sa jeune employée. Sa dernière recrue, la plus jeune mais aussi la plus efficace. Elle travaillait ici à mi-temps, et s’était retrouver avec ce poste à la suite d’un arrangement avec ses parents, de vieux amis à lui. Il ne la payait pas pour son travail. Mais en échange, elle logeait gratuitement à l’étage, dans le petit studio au dessus du bar. C’était l’arrangement, mais le patron n’était pas déçu de son travail, elle le faisait à merveille.
« Ringo-chan, j’ai une grande nouvelle. Demain, le Butterfly Mirage change de propriétaire. »
Les grands yeux de la blonde s’ouvrirent, laissant place à la surprise de la nouvelle. Elle cherchait à comprendre pourquoi il ne lui avait rien dit. Elle le regardait encore, puis vint lui demander pourquoi cette raison. Il partait en Europe, retrouver sa famille. Peut-être pour quelques semaines, mois… Ou simplement pour toujours. Il avait laissé la place à un petit jeune, un petit nouveau, qui venait de terminer ses études. Il l’avait testé, il était doué, ce jeune. Et ce jeune, il serait là demain matin. C’était ainsi, rien ne pourrait y changé. Triste mais pourtant, elle semblait aussi joyeuse de rencontrer une nouvelle personne. Elle pourrait bien s’entendre avec lui, près tout…

Dans son lit, Ringo ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle se demandait à quoi allait ressembler ce nouveau patron. Il ne faudrait pas qu’elle soit en retard, la première impression était importante. Pourtant, elle tournait dans son lit, sans arriver à s’endormir. Si bien qu’au petit matin, lorsqu’elle dut se lever pour s’en aller à l’animalerie travailler, elle avait dormir un total de deux heures. S’étant levée en retard une fois encore, elle arriva en retard pour nourrir les animaux. La journée se passa tranquillement, et vers seize heures, Ringo rentra faire une sieste, n’ouvrant les yeux qu’à dix-neuf-heures.

Alors que l’horloge de l’église sonnait sept heures, la jeune blonde sortait son nez des couvertures. Dehors, il faisait encore bien chaud. L’été s’était installé et ne semblait plus vouloir quitter l’endroit. Elle se leva doucement, partie se laver, puis choisi une robe au hasard dans l’armoire. Vêtue de blanc, la jeune femme quittait son petit appartement, n’oubliant pas de prendre son téléphone oublié dans la boite à cookie.

Après avoir descendu les marches menant derrière les cuisines, Ringo passa sa tête à travers les entrebâillures de porte. Personne en vu, du moins personne d’inconnu. Puis, en arrivant dans la grande salle, elle prit son chiffon et commença à nettoyer le comptoir. Le bar, pas encore ouvert, ne le serait pas tant que le nouveau propriétaire ne serait pas arrivé. Ce qui ne saurait tarder. En réalité, il était déjà là, mais il s’était confondu avec les autres employés, ce qui avait conduit la jeune femme à ne pas le remarquer jusqu’à ce qu’il ne vienne se présenter à elle alors qu’elle lavait le sol. En le voyant, elle lâcha son balai pour s’approcher de lui et l’observer de haut en bas. C’était vrai qu’il était tout jeune, comparé à l’ancien propriétaire. Mais ce n’était pas pour déplaire à Ringo, qui aimait travailler avec des personnes de son âge. Elle lui tourna autour, le regarda de haut en bas, puis, lui sourit à la manière d’une enfant.

« Salut ! Moi, c’est Ringo. Bienvenu au Butterfly Mirage ! »

Ce nouveau patron était plus jeune que l’ancien. Il semblait plus frais, plus vivant. Mais tout aussi aimable, et connaisseur du métier. Mais ce n’était que des apparences. Peut-être était-il, au fond, une vraie tête de con, qu’on ne peut pas supporter et qui menace de vous virer à la moindre contrainte. Mais Ringo espérait qu’il n’était pas ce genre de personne. Qu’il était plutôt du genre à prendre soin de ses employés ; mais aussi qu’il était au courant qu’elle n’était pas une employée comme les autres. Si elle en suivait ce que lui avait dit l’ancien propriétaire, tout était réglé. Elle pouvait rester ici, même en son absence. Si elle avait un problème, elle n’avait qu’à l’appeler. Et ce serait à lui de régler le problème. Mais la jeune blonde était plutôt du genre autonome ; le genre de personne qui déteste que l’on règle ses problèmes à sa place. Surtout, lorsqu’il s’agit de situations délicates. Il fallait bien avouer que l’autorisation de rester sur place l’enchantait plutôt. Elle n’avait nulle part d’autre ou aller, et le maigre salaire que lui fournissait son travail à l’animalerie ne suffirait pas à, en plus des factures et autres dépenses mensuelles, couvrir un loyer qui se faisait de plus en plus cher.

C’était donc rassurée qu’elle découvrait ce nouveau patron. Il semblait tout ce qu’il y a de plus gentil. Et a peine plus jeune qu’elle-même. Âgée de dix-neuf ans, Ringo en avait le physique mais pas la mentalité. Elle était du genre à ne jamais faire attention à ce qu’elle disait, faisait. Comme une enfant, oui. Il faut l’avouer : Ringo était encore une enfant au fond d’elle. Pourtant, son travail au bar, au milieu de l’alcool et des gens pas toujours très nets en fin de service, l’enchantait. Elle croisait souvent des gens du pensionnat proche du bar, des habitués, des personnes plus ou moins tristes ou joyeuses. Tout dépendait bien souvent du temps. Plus le temps était mauvais, plus la population venait s’enfermer dans ce bar, boire un coup. Seul ; ou entre amis. Les groupes, de deux, trois, quatre personnes ou plus faisaient bien plus de bruit qu’un homme déprimé par son divorce avec sa femme se noyant dans la boisson en espérant avoir rêvé les vingt dernières années de sa vie. Et encore. Ici, la jeune femme n’avait pas seulement un rôle de serveuse. Bien souvent, elle aidait les jeunes dans leurs phases provisoires de déprime. Lors d’une rupture, d’une violente dispute ou encore, pour les petits intellos, d’une mauvaise note. Son public principal restait la jeune population, préférant rester loin des adultes pouvant se montrer excessif, agressifs et parfois même pervers. Le genre de personne qu’elle n’aimait pas plus que ça. Elle voyait en eux de simples clients, pas même de potentiels amis. Ils n’étaient pas de sa génération, de son monde, son royaume… Son univers.

Pour chasser les mauvaises pensées de son esprit, elle secouait énergiquement la tête. Elle s’installait derrière le comptoir, lessivant ce dernier avec autant d’énergie que lorsqu’elle avait secoué la tête. Elle n’avait pas seulement la mentalité d’une enfant, elle en avait aussi l’énergie et les reflexes. Comme si elle avait oublié de vieillir. Ce qui ne lui déplaisait pas tant que ça. Elle sautillait sur place. A la radio passait une chanson qui bougeait un peu plus que ces chansons des vieux, ces musiques plates, sur lesquelles une personne normalement constituée ne peut pas danser, chanter ou même imaginer quelque chose. Elle se laissait entrainée par la musique et entamait une petite danse, dans laquelle elle entrainait son nouveau patron sans s’en rendre compte. Elle avait aussi l’habitude de faire ça, avec les clients ou même, le propriétaire. Malgré son âge, il avait une pêche d’enfer ! Ce qui réjouissait parfois Ringo, qui se demandait comme il ferait pour la supporter s’il n’avait pas cette pêche légendaire. A la fin de la chanson, la demoiselle rouvrit les yeux. Rond. Ecarquillés. Globuleux. Puis, elle arquait un sourcil avant de se courber et de s’excuser. Elle ne l’avait pas fait exprès. C’était plus fort qu’elle.

« Je m’excuse pour mon comportement familier ! Ravie de vous rencontrer, Lee. »