Il semblerait que je puisse toujours courir, pour avec mes excuses. Je pensais avoir un peu plus d'autorité que ça. Je m'étais fait une illusion. Je faisais donc un peu ma boudeuse, pour l'instant, donc je ne tournais pas la tête vers lui, ne serait-ce qu'une seule fois pendant le trajet jusqu'au pensionnat, malgré l'envie qui me prenait parfois de tourner mon regard pour voir à quoi il pensait. Mais pas d'excuses, pas de regards. C'était plus me « punir » moi même que je ne le punissais lui. C'était simplement pour lui montrer que j'étais capable de marcher cinq minutes sans lui accorder d'attention. Ce qui était faux, car dans mes pensés, mes attentions étaient toutes pour lui, ou presque. En marchant, sans m'arrêter, j'essayais d'enfiler mes converses, malgré le sable que je risquais de mettre dedans, bien qu'il y en ai déjà. Et j'arrivais tant bien que mal à les enfiler. Je ne faisais pas mes lacés, pour ne pas perdre de temps, et rester trop longtemps à la vue de tout le monde. C'était mieux que de marcher pieds nus. Surtout que Iaroslav c'était mis à marcher plus vite, il ne devait pas aimer être observé ainsi par la foule, ce qui pouvait être compréhensible. Et ce qui pouvait être encore plus compréhensible, c'était de ne pas vouloir rentrer dans le pensionnat dans cette tenue. Les gens retiendraient nos visages, et après quand ils nous croiseraient, ils se poseraient des questions, en nous revoyant ainsi vêtus. Il semblait hésiter à poursuivre. Je regardais devant moi.

«Si tu ne veux pas qu'on te voit, je peux me mettre toute nue, pour attirer toute l'attention, et que tu puisses passer tranquillement. Sinon hum... »

Je plaisantais. Etre en sous-vêtements, encore, je voulais bien que ça passe. Mais nue, je n'y tenais pas tellement. Mais, je n'étais pas si bête que ça, c'était quand même une solution qui aurait pu marcher. Pour les autres solutions, je faisais comme ça, au « feeling ». Je lui jetais ma chemise sur la tête, pour cacher son visage. On ne verrait pas qui se cachait la dessous. D'accord, on voyait encore ses cheveux, et surtout, son tatouage. Mais c'était déjà ça de gagné. J'allais devoir faire quelque chose que j'avais interdit, tant pis. Je le prenais par la main, et le tirait, le guidais, s'il ne pouvait pas voir à travers ce que je lui avais jeté dessus, vers un coté du pensionnat, au soleil, où à mon avis, vu la chaleur, il ne devait y avoir personne. Peut-être qu'il avait laissé tomber ma chemise, ou qu'il l'avait enlevé, je ne regardais pas ce qu'il faisait, je le tirais là où je voulais aller, tout simplement. Je ne connaissais pas le pensionnat, mais j'avais eu raison. Il y avait un coté au soleil ou il n'y avait ni banc, ni herbe, ni rien, du coup, il n'y avait personne. J'avais toujours rêvé de faire ce que j'allais faire. Tout était comme je le voulais. Une gouttière au mur pour pouvoir grimper, et des fenêtres ouvertes. Avec de la chance, la salle dans laquelle nous allions arriver, si j'arrivais à grimper, serait vide, et proche des douches. Je me retournais pour la première fois vers lui, depuis plusieurs minutes.

«J'espère que tu sais grimper. »

Ce serait plus discret que de passer par le hall. Et ca me donnait l'impression d'être dans un film, un peu, lorsque les espions doivent infiltrer un bâtiment. Il m'en fallait peu pour me réjouir.

Malgré que nous étions arrivés au pensionnat, rien n’était encore gagné. Il allait falloir traverser toute la cour, affronter tous les regards, et souffrir encore quelques instants. Rien de bien méchant, en somme. Mais c’était toujours ça. C’était une situation que je jugeais déplaisante. Et pour cause, il allait nous falloir recourir aux extrêmes, pour nous sortir de là. La solution proposée par la jeune fille en était une. Elle m’avait fait tourner les yeux vers elle, pour l’observer d’un air quelque peu étonné. Ou curieux. Ferait-elle réellement ce genre de chose ? J’attendais de voir ça.
Mais déjà, je ne voyais plus rien. Une chemise sur la tête, j’étais entraîné par la russe vers dieu sait où. Eh, c’est moi qui voulais faire ça ! Je retirais le vêtement de sur ma tronche, sans pour autant risquer de compromettre la bonne volonté de ma compagne, en ne lâchant pas sa main. C’était un peu bête de me cacher comme ça. De toute façon, je serais reconnu tôt ou tard, et ajouter un truc pour me couvrir ne ferait qu’aggraver mon cas. Néanmoins, j’avançais, je suivais, en regardant la chevelure rose de celle qui m’emmenait. Je contemplais ses épaules, son dos, ses hanches, avant de remarquer que nous étions arrivés. Sa chemise à la main, je la lui rendais d’un geste directif.

« J’aurais préféré te voir nu. »

Disais-je avec calme, en approchant lentement de la gouttière qu’elle évoquait. Là, je n’avais plus d’yeux pour l’étudiante. Depuis qu’elle avait récupéré son bien, et que j’avais pu constater le calme des lieux, parce qu’il n’y avait personne aux alentours, je ne l’observais plus. Ce dont elle parlait pour grimper me paraissait étrange. Enfin, non, ce n’était pas le mot. Seulement, comment comptait-elle faire ?

« Je peux t’aider à te hisser, si tu veux, mais… je ne fais pas le même poids que toi. »

J’ignorais, à vrai dire, si ma masse aurait pu causer quelques torts au tuyau mural. Seulement, l’idée ne me plaisait que très peu. Grimper ? Hmm, ouais. Mais là, pas forcément. Je m’occupais plutôt de frotter le dessous de mes pieds, abimés par la marche et un peu sales. Pour le moment, nous étions coincés en bas. À quoi cela la mènerait-elle de grimper par là ? Peut-être que cela donnait sur une salle, mais je n’arrivais à réellement repéré la destination de notre excursion. Les douches étaient-elles là ? Ou bien… ailleurs ? Le risque en valait-il la chandelle ?
À peine avais-je pris le temps d’articuler ces questions dans ma tête, que je tournais les yeux vers Agata. Et là, à bien cent mètres derrière nous, de là d’où nous venions, je repérais une silhouette. Qu’était-ce ? Un surveillant ? Un élève ? Un curieux ou quelqu’un qui venait nous blâmer ? Je n’en savais encore rien, mais j’attrapais ma nouvelle amie par le bras, sans lui accorder de regard, simplement pour reculer de quelques pas en silence et l’entraîner avec moi…

« Si j'avais choisi cette option, je me serais mis devant tout le monde, mais je me serais caché de ton regard. »

Dis-je en récupérant ma chemise. Je l'enfilais sans la fermer, parce que j'avais trop de choses à porter, et ce n'était pas le plus pratique. Je ne me serais mis nu devant n'importe qui, en fait. Mais devant lui, lui, non, cela aurait été trop me dévoiler. Je l'avais assez fait comme cela. J'étais contente d'avoir trouvé une idée, qui me semblait bonne, amusante. Mais non, ça n'allait pas. Je soupirais en signe de mécontentement. Il avait qu'à en trouver, lui, des idées. Où enfiler son jean, son tee-shirt, même s'il était collant, et passer devant tout le monde sans avoir à se faire remarquer. « Rabat-joie », marmonnais-je, pour moi même. J'étais mauvaise langue, là, parce que ce n'était pas de sa faute, mais de la mienne, mon idée avait été stupide, irréfléchie. Je posais mes mains sur la gouttière, en tirant dessus. Ça ne paraissait pas si solide que ça, en effet. J'imaginais des scénarios impossible. Je monterai, irai chercher une corde, etc. Puis, son regard vers je ne sais quoi. Je regardais dans la même direction. Quelqu'un. Qui ? Je ne tenais pas à me faire réprimander pour ma tenue dans le pensionnat. C'était marqué où, dans le règlement, que se balader en sous-vêtements était interdit ? Même si ça l'avait été, ca ne m'aurait pas empêché de rentrer comme ça, au pensionnat. Tandis que je restais les yeux fixés sur cette personne qui attirait ma curiosité, je sentis que j'étais tirée par le bras. Je ne résistais pas. La loi « Interdiction au touché » était comme inexistante. En même temps, il ne faisait rien d'autre que de me tirer par le bras.

« Bon, si tu veux pas grimper par là, t'as qu'à trouver une idée pour pas te faire remarquer. Si c'est pas trop tard. »

Chuchotais-je en pensant à la personne qui s'avançait. Et puis, s'il en savait pas quoi faire, j'irais fièrement aux douches, et je l’entraînerais avec moi dans les couloirs bondés, s'ils l'étaient. Il n'y avait trente-six solutions. A moins qu'une autre entrée que celle du hall existe. Comme un passage secret. Ce qui m'étonnerait fort. Je daignais lever les yeux vers lui. Et voyant cette personne inconnue se rapprocher, je reculais un peu plus, tournais le dos, même, en avançais, pour me trouver cette fois derrière le pensionnat, où sur un des coté, je ne savais pas trop.

«Bon, trouve une idée. Sinon je te traîne de force devant tout le monde. »

J'avais un « gage » qui me venait en tête. Vous savez celui que j'avais gagné de ma victoire sur la plage. J'aurais pu lui demander d'aller se balader dans cette tenue, dans tout le pensionnat. Même sans aucun vêtements. Mais j'avais le pré-sentiment qu'il n'accepterait pas. Avec un petit sourire, n'y croyant évidemment pas, je lui demandais :

« Et tu sais, étant donné que j'ai gagné la bataille, sur la plage, j'ai le droit de te demander quelque chose. Tu accepterais d'aller te balader sans vêtements, aucun vêtement, dans le pensionnat, où je peux toujours rêver ? »

Qui ne tente rien n'a rien. J'aurais au moins essayé.

Je crois bien l’avoir écouté tout du long. Jusqu’à ce qu’elle dise ses derniers mots, ceux qui devaient me donner l’autorisation en public, je n’avais fait qu’ouvrir mes oreilles pour ne pas l’interrompre. Je m’étais écarté, avec elle, pour échapper à celui ou celle qui pourrait nous retrouver. La situation devenait assez cocasse, et n’avait finalement plus grand-chose d’enviable. Le début était bien. Le milieu dégénérait. J’espérais simplement que la fin soit à la hauteur de tout ce que nous avions traversé. Pour le moment, derrière ce mur, toujours aussi mal vêtu, je l’observais et tâchais de comprendre.

« Il faut vraiment en arriver à faire ce genre de chose ? »

Je clignais des yeux, mais ne l’abandonnais pas du regard pour autant. Durant un temps, je la fixais même pour comprendre sa question, mais aussi les réactions qui pourraient en découler.

« Je pensais plus à quelque chose dont tu pourrais profiter. Je ne vois pas en quoi me foutre à poil dans le pensionnat te serait utile. Tu n’aurais rien à y gagner. »

Maintenant, ma tête tournait. J’examinais la direction d’où pourrait éventuellement venir la personne que nous fuyons. J’ignorais évidemment si elle nous suivait réellement, ou si j’avais halluciné. Ce pouvait être tout le monde et n’importe qui. La prudence est une vertu, je crois bien. Attendre ici me paraissait bien. Sauf qu’elle s’impatientait, la gamine.

« Quitte à se faire remarquer maintenant, allons-y, tant pis pour la repère. »

Soupirant, comme elle avait pu le faire plus tôt, je choisissais finalement qu’il fallait y aller. Il faut dire qu’elle me provoquait en essayant de me faire culpabiliser. Je n’y étais pour rien, moi. C’était elle la fautive. Depuis le début. Depuis qu’elle m’avait bousculé, jusqu’à m’avoir trempé de la tête aux pieds. Mais bon, je n’allais pas la laisser là. Quoique…
Après un dernier regard pour elle, je franchissais le pas. Après l’angle, je ne voyais personne. Soit j’avais halluciné, soit la personne en question devait avoir trainé dans ce coin par pur hasard. Ce n’était pas pour nous. Tant mieux. Ainsi vêtu, mieux vaut mal que pas du tout, je marchais vers l’entrée principale du bâtiment. Ce n’était pas la porte à-côté, et bien du monde risquerait de nous voir, mais là n’était pas le souci. Si rien ne m’arrêtais, je pourrais aller jusqu’aux douches. Que cette russe me suive ou non, c’était son problème. Pour ma part, je ne voyais pas quel ennui pourrait m’arriver réellement, du fait de cette situation. Ce qui me tiraillait le plus était sans doute l’allusion qu’elle avait faite, à propos de mon gage. Je crois que je serais partant pour sortir à poil dans les couloirs la nuit. Là, il n’y aurait pas de problème. Sinon, si ce n’était que pour le plaisir ou déplaisir de s’exhiber… Bof. J’aimerais autant ne pas lui accorder davantage sur moi. Après tout, tout ce que nous avions fait jusque-là, c’était parce que je l’avais laissé faire et lui avais tout accordé. Et si je remettais les compteurs à zéro ?

«Oh mais tu sais, j'aurais beaucoup à y gagner. La satisfaction de voir ma curiosité assouvie. »

Dis-je en marmonnant, plutôt pour moi que pour lui en souriant. Je ne m'attendais à ce qu'il accepte, il n'avait déjà pas envie de se faire remarquer, en passant devant tout le monde. N'importe qui à sa place n'aurait pas voulu se faire remarquer. Sauf moi, j'ai toujours apprécié d'être au centre de toutes les attentions, et j'y ai même été habituée. Mauvaise habitude, sûrement. Ce serait presque avec plaisir que je marcherais devant tout le monde. Mais ce n' était pas comme si c'était quelque chose d’extraordinaire. Peut-être que quelques personnes parleront de nous le lendemain, mais pas pendant plusieurs semaines. Ce sera vite oublié. A moins que cela heurte la sensibilité de petites japonaises pudiques.

Je fus étonnée de la façon dont il accepta, sans rechigner, de passer par la grande entrée. Nous avions perdu quelques minutes pour rien, j'avais imaginé des scénarios pour rien. Nous allions juste faire quelque chose de banal. Marcher au milieu d'étudiants. Il c'était donc mis en route. Sans me lancer un regard. J'aurais pu aussi bien rester là, mais quitte à marcher devant tout le monde, voir des regards désapprobateurs, et peut-être même subir des remarques, autant être à deux à les recevoir à deux, que seule. C'est comme cela que nous nous retrouvions, tous les deux, moi à sa suite, à marcher, dans mon cas la tête haute, devant un tas d'adolescents aux yeux bridés. Certains nous dévisageaient. D'autres fixaient autre chose que nos visages. Je ne pouvais voir celui de Iaroslav, je ne pouvais donc savoir s'il se trouvait gêné. Je ne l'étais pas, moi. J'étais même fière. Contente d'être remarquée. Même si ce n'était pas que des remarques positives qui se disaient à voix basse, derrière mon dos. Car presque tout le monde parlait à voix basse. Ce devait être rare de croiser des gens habillés de la sorte, au pensionnat. Mais de là à en faire tout un plat... Sans m'avancer plus près de lui, en restant en retrait, je lui demandais.

« Tout va bien, Iaroslav ? »

Avec un ton enjoué. Comme si je m'amusais de savoir qu'il n'appréciait être jugé de la sorte. Je voyais la porte d'entrée. Bientôt nous serions à l'intérieur. Mais cela ne voulait pas pour autant dire que notre périple serait terminé. Non. Il faudrait passer dans le hall, éviter tous surveillants, monter les marches. Et il me conduirait aux douches. Car de l'entrée, je ne savais pas où aller pour les trouver. Mais je l'avais vu plus tôt ce matin, les douches n'étaient pas mixtes. Comme si j'avais quelque chose à faire du règlement. Nous n'avions pas non plus de serviette. Personnellement, je me débrouillerais facilement. En m'essuyant avec mes vêtements, où... j'avais toujours des idées. Mais je demandais quelle serait la sanction si on me trouvait à me doucher, innocemment bien sur, dans les douches destinées aux hommes. Je ferai ma petite fille innocente, comme je savais bien le faire, ce qui m'éviterai tout ennui. J'étais douée, pour éviter les ennuis, de toute façon. Donc même si je devais croiser un surveillant dans cette tenue, je ne m'en inquiétais pas trop.

«Tu comptes aller chercher une serviette, où tu nous conduis directement aux douches pour hommes ? »

Je n’étais pas tant gêné qu’agacé. Cette situation, bien loin d’être utile et agréable, était des plus ennuyeuses. Je n’aimais pas cela. Parce qu’il y avait tous ces yeux. Parce qu’il y avait ces avis, ces jugements. J’appréciais tant cela que si j’avais du m’auto-flageller. C’était du masochisme. Evidemment, chacun d’entre nous se devait d’en avoir une petite couche, même très mince. Mais finalement, le sadisme m’interpellait bien plus. J’étais quelqu’un qui adorait particulièrement de pouvoir gérer, contrôler, dominer une situation. Par conséquent, être le centre de l’attraction sans pouvoir faire preuve d’un minimum de crédibilité ne m’était pas très agréable. Qui plus est, celle qui m’accompagnait venait de me lancer une petite pique, avec son « Tout va bien, Iaroslav ? »

« Tout va bien, Agata. »

Répondais-je sans tarder, un peu sèchement j’imagine, sans me retourner un tant soit peu. Continuant donc mon périple, je ne lui accordais d’attention que dans mes pensées, silencieusement, calmement. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait et échappait totalement à mon regard. Même le « directement » que je prononçais par la suite, ne me faisait que jeter un coup d’œil en coin, aussi discret que distrait. Nous foncions vers les douches, si je puis m’exprimer ainsi. Malgré que ce fut à vitesse humaine, et que cela nous permettait d’affronter encore bien des airs désapprobateurs ou étonnés, nous ne tarderions certainement pas. Ce chemin, je ne le connaissais que trop bien. Les douches faisaient partie de mon quotidien. Quel que soit le point de départ, je pourrais toujours tomber dessus. Chaque que je n’allais pas tarder à faire.

« Nous y voilà. »

Annonçais-je enfin, assez bientôt. Il n’y avait jamais qu’un ou deux escaliers à gravir, une fois que nous étions vaguement hors de portée. Deux fois une vingtaine de marches, pas de surveillant ou de personnel administratif, donc tout irait bien. Je pouvais reporter mon attention sur la russe demoiselle, puisque nous étions arrivés. Rien ne me forçait plus à lui en vouloir légèrement. Cette épreuve était passée, m’avait dérangé sans me tuer, et la suite était bien connue, prévue d’assez longue date.

« T’as besoin de rien. Y’a déjà tout dans les douches. Alors hop ! »

Pour appuyer cette demande qui n’était qu’une information quelconque, je me permettais de lui appliquer une claque sur les fesses. Maintenant que la proximité entre nous avait retrouvé sa place, que les règles du passé étaient tombées, j’avais récupéré bien des droits. Cette petite m’avait forcé à aller contre ma volonté, mais c’était fini. J’allais pouvoir choisir ma cabine de douche sans tarder, trouvant celle qui me paraissait la plus proche, accueillante, spacieuse et garnie. Ainsi, je ne tomberais en panne de rien, sauf de serviette. Mais ça, c’était déjà fait et ne pouvait que continuer. Les choses finiraient par s’arranger d’elles-mêmes, j’en étais persuadé. Ce serait celle-là. Je pouvais y entrer. Seul détail, je devais m’assurer que la jeune fille trouverais, elle aussi, chaussure à son pied. Une main sur le montant de ma porte, j’attendais qu’elle se décide, ne la lâchant pas du regard jusqu’à être sûr qu’elle ne s’enfuirait pas, une fois arrivée là.

Je pouvais déceler dans son ton une petite... irritation. J'avais eu raison, il n'appréciait guère de se montrer ainsi en publique. Mais même si sa voix c'était faite sèche, j'avais eu un sourire. Comme contente de le déranger, une fois de plus. C'était une de mes principales activités de la journée, l'embêter. Je devais être sage, et cesser un peu de le contrarier ou cela me retomberait certainement dessus. Pendant tout le trajet, je ne prononçais pas un mot. Lui non plus. Ce fut silencieux. Si on ne prend pas en compte le bruit que faisaient les étudiants autour de nous. Monter toutes ces marches fut presque fatiguant. Les douches n'étaient plus très loin. Nous y étions. Il semblait n'y avoir personne, pour l'instant. Tant mieux, car je n'étais pas censée être ici. Je jetais un regard vers le russe, près de moi, me demandant s'il était ou non contrarié. S'il m'en voulait un tant soi peu. Puis je lançais un regard autour de nous. Les douches ici étaient semblables à celles des filles, à quelques détails près. Une tape sur mes fesses me fit avancer d'un pas, et me retourner, en claquant ma langue en signe de désapprobation. La règle que j'avais fixé avait été bien vite oubliée. Mais je ne fis pas de remarque. Cette règle était stupide. Il me demandait en fait de me dépêcher. Lui avait choisi la meilleure douche. Je regardais les autres. Elles étaient certes bien, mais il aurait pu me laisser celle là, quand même ! Je le fixais un instant, haussais les épaules, et m'approchait de la porte de la douche qu'il avait choisi. Je comptais bien lui le pousser, et lui voler sa place. J'étais tellement capricieuse ce jour là. Loin d'être docile. Et surtout, pas vraiment facile à vivre. Je tirais donc la porte, le poussais, et essayais de m'introduire dans cette douche.

« Égoïste ! Tu prends la meilleure douche ! »

S'en était presque risible. C'était plutôt moi, l'égoïste, et l'autoritaire, depuis que je l'avais rencontré. Il c'était montré si serviable, aussi. Il ne fallait pas s'étonner que j'y prenne rapidement goût. Mais je savais très bien que si je voulais avoir ne serait-ce qu'une chance de le sortir de la douche, il fallait lui donner un argument, ou une bonne raison de le faire. Je n'en avais pas de convainquant qui me passaient par la tête. Enfin si, j'en avais beaucoup. Mais pas approprié. C'était facile de lui donner une bonne raison. J'aurais pu lui proposer un tas et un tas de services. Mais je proposais quelque chose de plus vaste.

«Si tu me laisses ta place, je hum... Je serais gentille. »

Argument nul. Et tout ça juste pour une douche. Gentille. Cela pouvait se prendre dans plusieurs sens. Mais pas dans le sens où je serais tellement gentille que je serais soumise. Non. Juste dans le sens où j'essayerai de ne plus lui envoyer constamment des petits piques, ou je l'arroserai plus avec de l'eau salé poisseuse et ou je ne le forcerai pas à me porter sur son dos. C'était contre ma nature. Et être « gentille » dans mon cas ne pouvait durer bien longtemps.

C’était bon. Nous y étions. Plus rien ne nous empêchait de nous doucher tranquillement, enfin. Sauf que la demoiselle refusait de trouver sa cabine. Voilà qui était un peu triste, non ? Après tout ce remue-ménage pour pas grand-chose, ces heures passées avec cette impression de saleté, de n’être pas dans la meilleure des conditions, j’avais trouvé le moyen de se débarrasser de ces moments, ou plutôt de ce qu’ils avaient de négatif, mais ce n’était pas bon. Décidément…

« Ma place ? »

Elle était folle. Jamais je ne la laisserais. Puisqu’il avait trouvé cette douche le premier, ayant l’habitude de les inspecter pour ne pas se faire avoir, il devait être logiquement le mieux servi. Où serait la raison si je perdais mon opportunité en même temps que toute l’expérience qu’il m’avait fallu pour en arriver là ? À quoi auraient servi ces jours innombrables durant lesquels j’avais habité dans ce pensionnat avant elle, si c’était pour n’en tirer strictement aucun bénéfice ?

« Tu passes juste un petit coup d’eau et ça devrait le faire. Ou alors… »

Sans quitter sa place, qui interdisait à la jeune fille d’entrer, ou de le faire sortir, j’inspectais les cabines d’à-côté avec un intérêt feint. Je me moquais bien de ce qu’avaient les autres douches. Je ne voulais même pas ressortir de la sienne pour aller voir. Là, j’étais bien. Alors, observant de gauche à droite, puis de droite à gauche, je revins à ses yeux, à ce regard que j’aurais pu prétendre « suppliant », en souriant.

« À moins que non. »

Et subitement, sans m’occuper de savoir si quelqu’un pouvait se trouver dans les environs, puisque je n’avais vu personne depuis un certain moment, je me saisissais d’elle. La folle idée de ne pas nous toucher était passée à la trappe bien vite, et c’était tant mieux. Je pouvais, à loisir, l’attirer dans cette cabine et refermer derrière. Comme ça, elle n’aurait plus à essayer de me convaincre et me faire perdre mon temps pendant une durée indéterminée. Je la lâchais donc, une fois que tout était en ordre, et me préoccupais de ma petite personne, ne lui envoyant finalement que quelques paroles maintenant qu’elle était là.

« Si tu tiens à avoir cette place, tu vas attendre là que j’ai fini. Ou alors vas-y avant, mais je ne vais pas te laisser la place. Je n’en ai rien à faire que tu sois gentille… »

Otant les vêtements que j’avais pu porter jusque-là, à l’exception de mon caleçon, j’étendais d’abord ces derniers sur le haut de la porte de la cabine, et sur les côtés. Mais sûrement serait-il préférable de les laver sous l’eau. Hmm… je verrais. Pour l’instant, il convenait de me doucher moi-même. Cela ce qu’Agata déciderait. À moins que je ne lui passe sur le corps pour parvenir à mes fins…

Ouais, évidemment, il ne me laissait pas sa place aussi facilement. Je pense que je ne pouvais plus vraiment dire qu'il était mon serviteur. Mon valet. Ce devait être un rôle trop difficile à jouer, lorsqu'on m'avait comme maître. Je regardais les autres douches. Il se fichait que je sois gentille ou non. Je devais donc me doucher autre part. Étant dans la partie sanitaire des garçons, j'étais sure que les douches étaient sales. Vous voyez, les garçons ne sont pas aussi propres et ordonnés que les filles. C'est quelque chose connu de tous, n'est ce pas ? J'étais presque prête à me rendre, et à aller dans une autre douche, lorsque qu'il m'entraîna avec lui, en refermant la porte derrière. Pas idiote, comme idée. Partager, c'était la meilleure des solutions. La douche était assez spacieuse pour deux personnes, mais je devrai tout de même attendre pour me doucher, comme il l'avait dit lui même. A moins que je décide encore une fois de contrecarrer ses plans, et de le pousser pour prendre sa place. Parce qu'attendre tranquillement qu'il se douche, a coté, pendant que moi j'attendais en frissonnant... J'enlevais donc ma chemise rapidement, car je ne l'avais pas attachée, et jetais mes vêtements dans un coin de la douche que l'eau ne pourrait pas atteindre, sauf quelques éclaboussures peut-être.

« Je n'ai pas envie de te proposer autre chose que ma gentillesse. Je ne vois pas ce que je pourrais te proposer d'autre de toute façon. »

Mais je vais quand même me doucher en premier, ou en même temps que toi. J'allai derrière lui, puis passai mes bras autour de sa taille, fermement, assez pour qu'il ne puisse pas se débarrasser de moi aussi facilement. De cette façon, lorsqu'il passerait sous la douche, il me rincerait par la même occasion. Même si ce serait plus difficile, parce que je me tenais d'une manière si serrée que l'eau ne passerait pas entre lui et moi. Tant pis. C'était encore une manière de l'encombrer.

« Allez, allume l'eau. Il fait froid ! »

Et c'était vrai. Humide, à l'ombre, des gouttes d'eau froides dégoulinants de mes cheveux sur mon corps, il faisait froid. Sans parler du sel, du sable qui étaient restés sur ma peau. Me rincer à l'eau chaude serait franchement agréable.

« Et si tu es sage, je te ferai un shampoing. »

N'étais-je pas gentille ? Même s'il ne pouvait pas me voir, je souriais, à l'idée de le shampouiner. Et peut-être, dans un malheureux accident, lui mettre du savon dans l'oeil. J'étais d'une nature tellement maladroite ! Bien sur, en échange, je demanderais quelque chose. Je demandais toujours quelque chose en échange. Cela tenait d'un manque de générosité, ou alors juste de l'amusement. Je voyais de l'amusement partout. Même dans une douche. Ou plutôt, surtout dans une douche. Ce n'était pas quelque chose de commun, de prendre une douche avec quelqu'un, surtout si vous ne connaissez cette personne que depuis... peu de temps. Combien de temps ? Je ne savais pas. En tout cas, rare étaient les personnes qui se retrouvaient dans la même douche qu'une personne qu'elles avaient rencontré moins d'une journée auparavant.

Il était temps d’en finir. Ou bien juste d’entamer la suite, pour de nouvelles péripéties riches en rebondissements. J’appréciais cela, de pouvoir poursuivre un but non-défini avec cette inconnue. Le seul hic était de ne pouvoir tout contrôler. J’avais un pouvoir plus que limité et devais bien trop souvent lui accorder des privilèges. Heureusement, puisque les imprévus étaient des deux côtés, j’avais réussi à l’entraîner, à la faire entrer dans cette douche, et quelques avantages se profilaient.

« Me colle pas comme ça. »

Protestais-je faiblement. Ce n’était pas le plus simple, de l’avoir complètement accrochée à moi, surtout à cause de cet aspect bien trop collant de nos personnes, mais j’arriverais inévitablement à me débrouiller. Ma contestation portait probablement sur le fait que j’allais retirer mes ultimes vêtements, et qu’elle m’entravait légèrement. Enfin, elle se tenait dans mon dos, et n’importe qui aurait trouvé cette proximité particulière.

« Je veux bien d’un shampoing. SI tu pouvais me laver le dos, aussi. Et les pieds, tant que tu y es. »

Comment la faire lâcher prise ? Par les mots, peut-être. À moins que je ne décide de l’écraser complètement contre le mur, en reculant contre ce dernier. C’était une technique qui avait fait ses preuves par le passé. Néanmoins, à chaque époque sa stratégie. L’eau, que nous recevions, pourrait possiblement l’écarter. Sauf s’il s’agissait d’une jusqu’au-boutiste, ce qui ne serait finalement pas désagréable. Je n’étais pas prisonnier d’une demoiselle comme elle tous les jours.

« Comment je m’occupe de toi, moi ? »

Articulais-je en tournant la tête dans sa direction tant bien que mal. Ce n’était pas la position la plus simple. Mais le contact de son corps, allié à celui de l’eau qui nous parcourait, était le bienvenu. Je ne me rebiffais donc pas physiquement. Il fallait juste chercher une solution pacifique à cet état. Des presque-inconnus comme nous ne doivent pas se coller ainsi sous une douche, si ?
Passant mes mains dans ma longue chevelure blonde, pour tenter de voir s’ils allaient se dessaler, mais également pour les décoller de mes épaules, de ma nuque, je me trouvais assez heureux de mon impuissance face à cette gamine. Quoique, gamine… quel âge est-ce qu’elle avait ? Elle ne devait pas être beaucoup plus jeune que moi. J’étais en dernière année, et elle… ? Au bout du compte, elle était assez grande, plutôt mature, en dépit de son côté enfantin et toujours provoquant. Alors… je n’en savais rien. Je devrais plutôt me concentrer sur ma douche, pour le moment, de toute façon. Les choses n’allaient pas se faire toutes seules. Agata avait beau avoir fait une proposition, qui sait si elle me laverait plus qu’elle ne l’avait dit ? Certainement pas moi. Devant l’inconscience de l’avenir, je m’inclinais et devait prendre mon destin en main. Il n’aurait pas beaucoup d’incidence, dans une simple cabine comme celle-ci. Mais je n’allais pas attendre bêtement qu’elle entre en action. Si ?

Il avait beau protester, il ne se débattait pas tant que ça, le russe. Ce ne devait pas être si désagréable que ça pour lui, sinon, il aurait facilement trouvé un moyen de m'écarter. Je restais donc dans cette position, la joue collée à son dos, qui sentais le sel, mais aussi le sucre de la limonade. Et surtout, qui collait. Et enfin de l'eau. Je lâchais un soupire se soulagement, sans le relâcher pour le moment. Je le serrais juste un peu moins. Pour ce qui était de sa demande, je voulais bien faire ce que j'avais moi même proposé, donc un shampoing. Et peut-être si l'envie me prenait peut-être que je lui laverais le dos, dans une vague de gentillesse. Mais pour le reste, il se débrouillerait tout seul, comme une grand.

«Si tu ne m'avais pas demandé, je l'aurais peut-être fait. Dommage. »

Je le relevais la tête, sans le lâcher, mon menton sur son dos, pour recevoir de l'eau sur le visage. Dans cette position, ce n'était pas le plus facile pour enlever le sable et le sel de mes cheveux. Surtout vu leur longueur. Avec le bruit de l'eau qui coulait, je faillis presque ne pas entendre ce qu'il m'avait dit. S'occuper de moi ? C'était les meilleurs mots possible à trouver pour me pousser à me détacher de lui. J'hésitais un instant. Il bluffait peut-être. C'était juste une ruse pour que je m'écarte et qu'il jouisse d'une douche exaltante pour lui tout seul. Je restais encore quelques secondes dans cette position, avant de me détacher de lui. Mais je n'allais pas attendre qu'il « s'occupe de moi ». J'allais chercher le shampoing, et le gel douche. Je pris ce dernier, l'ouvris, et l'aspergeai avec, d'abord partout dans le dos, puis je passais devant lui, pour faire de même, en souriant. Ensuite vint le shampoing. Il était plus grand, ce qui ne me facilita pas la tâche, mais sur la point des pieds, j'arrivais à lui en mettre sur la tête.

« Ferme les yeux, si tu veux pas en avoir dedans ! »

Qu'il m'ait écouté ou non, je commençais à passer mes mains dans ses cheveux. J'avais mis beaucoup de shampoing, et je le passais sur toute la longueur de ses cheveux, pour ensuite commencer à frotter tout ça. Il y avait un peu de sable, dedans. Je pouvais le sentir. Ce devait être pareil dans mes cheveux. Même après un shampoing, il y aurait sûrement encore quelques grains. Surtout pour moi qui m'étais allongée par terre, les cheveux mouillés. Par sa faute, en plus. Après avoir bien frotté correctement, je passais mes mains sur son dos, étalant le savon, partout, jusqu'en bas de son dos. Sur ses épaules. Sur ses bras. Je passais devant, encore une fois, et fis de même, sur son torse, jusqu'à son ventre.

« Pour le reste, tu te débrouilleras tout seul, comme un grand, d'accord ? »

J'essuyais mes mains pleine de savon sur mon ventre, et le poussais. Il avait du shampoing près de ses yeux, et s'il les avait fermés, il était vulnérable, donc je pouvais plus facilement l'écarter pour profiter de l'eau toute seule, et me rincer. Ça ne durerais que jusqu'à ce qu'il me pousse, et prenne ma place. Peut-être qu'une seconde. Je me demandais si je ne devais pas profiter du fait qu'il ai du shampoing pour me déshabiller complètement. Non, pour ça, je devais être sure qu'il ne puisse pas ouvrir les yeux. Pas par pudeur. Juste pour ne pas lui donner cette satisfaction.

Que je sois nu ne changeait pas grand-chose. Agata était-elle une fille bien ? Pudique ? Fière ? Pleine de retenue ou juste totalement désintéressée ? Je n’en savais rien. Mais, ce qui était sûr, c’était que le fait d’avoir fermé les yeux et de me trouver « en son pouvoir » n’avait pas amené que de mauvaises choses. Elle n’avait pas profité de ma faiblesse relative, s’occupant, comme elle l’avait avancé plus tôt, de ma chevelure et de mon dos. Je n’aurais pas le droit à autre chose, mais son rôle était joué. Me laissant faire, je me retrouvais donc bientôt simplement collé à la paroi, repoussé par cette russe au caractère insoumis.
À tâtons, je m’éloignais en ne disant rien. Je parvenais à faire un pas, deux, en lui faisant toujours dos. Même si j’ignorais dans quelle condition elle se trouvait, je préférais ne pas la déranger outre-mesure. Nous en avions fait suffisamment pour aujourd’hui. Notre « amitié », si je puis dire, était intéressante, tout en étant venue d’une manière étrangement rapide. J’étais avec comme si cela avait toujours été le cas. Et ce n’est pas que j’ai particulièrement eu peur de me retrouver dans une situation d’impuissance face à elle. Seulement, il fallait trouver une mesure à notre relation. Une limite, peut-être.

« C’est la dernière fois que j’allais à la plage. »

Lançais-je un peu au hasard, n’ayant toujours pas ouvert les yeux, mais me savonnant en ayant trouvé du produit dans le distributeur, à-même la cloison. Je n’espérais pas obtenir de réponse en disant ça. Pas même de lui faire avoir un air déçu. Ce n’était, dans le fond, qu’une parole en l’air. Il est probable que j’y retournerais un jour. Néanmoins, le sable et l’eau ne faisaient pas bon ménage. Le passé aurait du me l’apprendre. Mais l’expérience ne fait pas tout. Elle avait contrecarré dix-neuf années de savoir.

« Tu t’es poussée ? »

Cette fois, la question devait trouver une oreille. Je me retournais à-demi, venant dans la direction présumée de la douche, au bruit de l’eau qui coulait, et avançais jusqu’à me trouver sous le jet. J’y glissais ma tête, pour enfin libérer ces longues mèches blondes d’une mousse envahissante. Il était temps de retrouver la vue, et ainsi l’essentiel de mes capacités. D’ici quelques secondes, je pourrais ouvrir les yeux, cracher l’eau venant dans ma bouche, m’essuyer le visage, et revoir cette fille à la rose chevelure.

« On laisse tomber la visite ? Je ne sais pas si tu mérites que je t’aide davantage. »

Je la cherchais un instant du regard. Evidemment, je lui avais promis d’être à sa disposition jusqu’à minuit, puis à longueur de temps. Mais ma parole m’appartenait, j’en faisais absolument ce qu’il me plaisait, et rien n’indiquait que je pourrais la lui confier plus que de raison. Parce que cette demoiselle n’avait fait appelle qu’à un esprit très enfantin, il ne pouvait être question d’être raisonnable moi aussi. Enfin, c’est ce que je pensais…

Il m'avait tranquillement laissé la place. Je ne m'y étais pas attendue. J'aurais plutôt cru qu'il m'aurait poussé, ou en tout cas qu'il ne se serait pas laissé faire. J'étais plutôt fière de moi, et je comptais prendre mon temps, et le faire poireauter un petit moment. Je me retournais rapidement vers lui. Il semblait avoir les yeux bien fermé, je me permis donc un coup d'oeil sur son corps, de haut en bas, avec un sourire que je ne pouvais retenir. Après tout, il avait les yeux fermés. Et il se retournais. J'avais du sable, dans mes sous-vêtements. Tant qu'il était dans cette position, je me sentais en sécurité, et j'enlevais ce qu'il me restait de mes vêtements, en l'écoutant dire qu'il n'irait plus à la plage. Cela avait été si horrible que ça ? Jamais, c'est un bien grand mot. Tout ça pour quelques grains de sable, et une eau salé fort peu agréable. Personnellement, cela m'avait permis de me rafraîchir, et de m'amuser un peu. C'était pourtant moi la fille qui aurait du me plaindre du sable et de la saleté. Un peu sexiste, comme pensée. Je ne répondais pas. Que vouliez vous que je dise. Je frottais mes cheveux, essayais d'enlever un maximum de sable. Ils étaient emmêlés, vraiment emmêlés. Je n'avais même pas mis la main sur le savon ou le shampoing que déjà on me poussait pour pouvoir profiter de l'eau. Sans attendre ma réponse qui plus est. Je me décalais à contre cœur, en lâchant un :

« Hey ! Tu m'as pas laissé le temps de me savonner ! »

J'enfilais juste mon shorty, pour ne pas paraître complètement nue, et fis en sorte que mes cheveux recouvrent en parti ma poitrine. Il était nu, pourquoi je n'aurais pas pu faire pareil ? J'aurais bien voulu, mais qui me parlait de « limites », sur la plage ? Pendant que lui était sous l'eau, j'en profitais pour lui tourner le dos, et me savonner, puis me laver les cheveux. Je faisais attention à ne pas mettre du shampoing près de mes yeux, pour pouvoir les garder ouverts. Pendant qu'il se rinçait, il me parlait. Laisser tomber la visite ? J'avais été si embêtante que ça ? Il m'avait fait une promesse. Il était à moi jusqu'à minuit. Mais les paroles s'envolent. Je me retournais vers lui, recouverte de mousse de la tête aux pieds.

« Je t'ai en parti savonné. Je mérite ça. En plus, tu m'appartiens jusqu'à minuit. S'il faut que je te mette une laisse pour que tu ne puisses pas t'échapper, je le ferais. Et dès que t'auras fini, tu pourras te pousser s'il te plait ? Il faut que je me rince. »

C'était moi, ou j'avais l'impression que pour la première fois je lui disais « s'il te plait ». J'avais peut-être du le faire, une fois, mais c'était rare. J'avais pris l'habitude de lui demander les choses sans politesse. Comme s'il était obligé. Mais m'étant rendue compte que j'étais impuissante s'il désirait partir, j'étais devenue un peu plus... polie. Mince si je restais autoritaire. C'était pas vraiment de l'autorité, je lui demandais juste de se pousser, comme je l'aurais demandé à n'importe qui d'autre.

Je ne pouvais retenir un petit sourire. La voir ainsi, d’abord de dos, puis retournée et pleine de mousse, avait de quoi me laisser songeur. J’étais amusé. J’aimais cette idée qu’elle était, dans le fond, une petite chose fragile et délicieusement vêtue de gel douche. On dit qu’il est impossible de voir les épaules d’une jeune femme sans penser à fonder une famille. Si ces dernières étaient nues, qui plus est, et si aisément offertes, le jeu n’en était même plus un. C’était une certitude.
Je l’observais donc, ne m’écartant pas pour le moment, afin de garder une certaine emprise sur la douche. Je me rinçais, prenant mon temps, et passais mes doigts dans cette chevelure auparavant si collante et sableuse. C’était mieux. Pas encore ça, mais préférable à l’état qui avait précédé. Quoi qu’il en soit, ils méritaient bien que je fasse attendre un peu cette gamine autoritaire. Je n’aurais jamais cru tomber sur une furie du genre, en me remettant à parler russe. Elle n’avait rien à voir avec le cliché des nippones soumises.

« T’as peur que je te viole ? »

Je jetais mon regard de ses yeux si bleus à ses pieds jusqu’où la mousse descendait. Sa tenue, encore constituée d’un léger sous-vêtement, m’indiquait qu’elle n’était pas complètement à l’aise. Si j’avais moi-même tout ôté, parce que j’estimais qu’on ne pouvait prendre une douche sans y aller intégralement, ce n’était pas son cas. Qui était le plus déstabilisé par ce fait, finalement ? Peut-être moi, même si je ne voulais pas me l’avouer. Je sentais encore un manque d’égalité.
Néanmoins, je n’allais pas le lui enlever de force. Plutôt, comme précédemment, je chopais son poignet pour lui éviter d’avoir à se fâcher. Je n’avais pas besoin de ça. Et le fait qu’elle se mette à parler de laisse devoir produire son effet. D’accord, j’étais à elle. Au moins jusqu’à minuit. Mais cet accord été finalement tacite, et n’avait pas besoin d’être rappelé. Elle aurait pu évoquer d’autres droits que simplement celui-là, pour justifier les ordres qu’elle me donnait. Comme par exemple, se contenter de me dire que c’est elle qui s’occupait de moi, et non l’inverse. Elle était celle qui décidait, aujourd’hui. Sauf à ce moment, puisque je l’attirais contre moi sous le jet d’eau. Sans lui laisser le temps de dire ouf, je la gardais dans mon étreinte, un bras dans le bas de son dos, venant effleurer son arrière-train, je lui dégageais le shampoing mousseux de ses cheveux de ma main libre. Doucement, je la débarrassais de cette invasion écumeuse, en veillant à ce qu’il n’en reste pas dans ses mèches. J’éliminais également quelques méchants grains de sable coincés là.

« Tu es une jeune fille très gentille, c’est vrai. Une bonne petite russe avec de beaux yeux bleus et un minois angélique. Mais pourquoi refuses-tu d’accepter que je puisse moi aussi être un garçon agréable qui ne te fera pas de mal ? »

Mes doigts sur son visage, pour retirer quelques soupçons mousseux, je gardais le sourire, n’étant pas réellement prêt à la libérer si vite.

Je ne pouvais me retenir de rire. Peur de me faire violer ? Ce n'était pas vraiment de la peur, que je ressentais. Si j'avais eu peur, je n'aurais pas accepté de rentrer dans la même douche que lui. Et il y aurait un tas d'autres choses que je n'aurais pas faites. Et puis, si ça avait été son intention, il avait déjà pas mal d'occasions, qu'il avait manqué. J'avais donc assez confiance en lui, sur ce point là.

« Oh oui. Je suis morte de peur. »

Dis-je sur un ton quelque peu ironique. Il m'avait regardé, de la tête au pieds. Alors, sans gêne, je faisais pareil avec lui. C'était vraiment impossible dans une situation si peu commune de ne pas avoir un sourire constant affiché sur le visage. Sa question aurait pu être un appelle à me mettre nue. Mais non. Je n'en faisais rien, ou du moins, pas pour le moment. J'attendais gentiment qu'il se pousse. Il prenait son temps. J'avais envie de râler, mais je ne devais pas. J'allais être docile, désormais. Enfin docile... Disons, plus docile qu'auparavant. Je pariais que je ne tiendrais pas plus d'une heure à faire ma gentille. C'était juste impossible. J'attendais les bras croisés, recouverte de savon mais aussi observée. Je me retrouvais une seconde plus tard dans les bras du russe. Encore une fois. Je ne comptais même plus, toutes les fois où, que ce soit par ma faute ou la sienne, nous nous trouvions à une telle proximité. Et à chaque fois, je me disais que c'était plutôt agréable. Surtout que là, en plus de me tenir près de lui, il s'occupait de moi, de mes cheveux. Je n'avais rien à faire. Sauf passer les bras autour de sa taille, c'était mieux que des les avoir ballant. Au début, j'avais laissé ma tête baissée, mais en entendant sa voix, ses paroles, je levais la tête, pour pouvoir voir son visage. Avais-je dis ne serait-ce qu'une fois qu'il n'était pas agréable ? Mon comportement avait-il fait pensé que peut-être je ressentais une peur, lorsque j'étais avec lui ? Si cela avait été le cas, je ne m'en étais pas rendue compte. Car je ne pensais pas qu'il pouvait me faire du mal. Je n'en étais pas certaine. Je venais de le rencontrer, et peut-être que tout ceci n'était qu'un jeu, et qu'il était un psychopathe qui au final me voudrait du mal.

« Mais je l'accepte. Sinon, je me serais déjà détachée de toi, au lieu de rester, à moitié nue, collée à toi de la sorte. Je n'ai pas une confiance absolue en toi, mais je suis convaincue que tu es un garçon fort agréable. »

Je ne souriais que très peu, ne le lâchais pas du regard, et passais doucement mes doigts le long de son dos, de haut en bas.

« C'est toi qui ne devrais pas être convaincu de ma gentillesse. Il n'y a chez moi que mon minois, qui peu paraître angélique. »

J'avais un petit sourire diabolique, à cette phrase. Qui n'était ni vrai ni fausse. Je n'étais pas diabolique, mais je n'étais pas angélique. J'étais loin d'être une petite fille pure et innocente, même si par moments j'aimais me faire passer pour. Mais ma phrase était fausse, car je n'avais à l'égard de ce russe aucune pensée mauvaise. Rien qui ne pouvait lui nuire. Mais je n'avais pas que des pensées pures et innocentes. Comment pouvais-je n'avoir que des pensées comme ça alors qu'il était nu, et si près ? Mais ces pensées, je les chassais du mieux que je pouvais, et me concentrais sur son regard.

Rinçant la jeune fille, je ne pouvais me retenir d’avoir un sourire amusé. Attendri, également. L’avoir ainsi, pour moi tout seul, dans ces conditions, entretenait une relation des plus distrayantes. Je n’aurais jamais cru tomber sur une demoiselle comme elle, ni m’y attacher comme cela. Si l’on m’avait prédit une telle rencontre, je n’aurais certainement pas adhéré à l’idée.
Quoi qu’il en soit, puisque nous en étions là, il me fallait bien me laisser avoir par cette proximité douce et si peu repoussante. Seul son vocabulaire, et quelques fois ses mouvements modestement brutaux, pouvaient avoir une quelconque signification de refus. Tout le reste n’était qu’attraction. Cette sorte de caresse, que je procurais à sa coiffure humide et collant à son corps, puis à son visage angélique, reflétait bien mon appréciation de l’atmosphère.

« Si tu es aussi démoniaque que tu le prétends, je vais devoir t’exorciser et faire sortir le diable de ton corps. »

Gardant le contrôle sur elle, ou toutefois une emprise, je jouais avec une mèche rose sans quitter son regard. Puis, l’instant d’après, vint une volonté plus abrupte, plus affirmée, alors que la mousse coulait lentement sur son ventre et plus bas, emportée par l’eau, après avoir quitté ses épaules et au-dessus.

« Qu’en dis-tu ? »

L’amenant à venir rencontrer la paroi de la cabine, d’un mouvement qui ne souffrait d’aucune contestation possible, je la plaquais contre non sans revendiquer une certaine puissance physique. Je la maintenais contre, mon bras dans son dos. L’autre main se posait avec suffisamment de conviction auprès de sa visage, d’abord sur la cloison, puis effleurant sa joue du pouce.

« Pourrais-je te dompter pour te forcer à rester à mes côtés sous ta forme la plus parfaite, sensuelle et romantique ? »

Des mots. Ce n’était pas assez. Je l’avais en ma possession mais n’allait décidément pas la frapper pour arriver à mes fins. Une pression, ma supériorité pour la coincer entre le bois et moi, m’incitait à n’user que de la parole pour lui en faire dire plus.

« J’ai décidé d’être ton protecteur et ton obligé, après tout. Alors je devrais commencer par te guérir de toi-même, te dominer, afin que tu ne risques pas de te faire du mal. »

Et, glissant dans le bas de son dos, sur ses hanches, sur son bassin, mes doigts finissaient sur son ventre, pour y courir et remonter avec lenteur à son nombril. Là, ils pouvaient suivre une ligne droite en direction de son buste sur peu couvert, collé à mon torse, masqué par une longue chevelure. Je ne parvenais à saisir à quel point ma provocation avait le droit de se tenir, ni jusqu’où elle pouvait évoluer. Pour le moment, j’étais conditionné par cette envie, qui n’était pas neuve, de vouloir tester et franchir des limites plus reculées. J’allais avancer dans un sens choisi et indiscutable, pour essayer de comprendre quelle serait la réalité de mon compagnonnage avec elle. Serait-elle une amie ? Je l’avais pensé. Devrait-elle, pourrait-elle atteindre un plus haut degré que ce statut ? L’avoir le dirait, aussi proche soit-il.

Un instant de silence. Juste le bruit de l'eau. Si près, si doux, j'aurais pu rester longtemps ainsi. J'étais tranquille, reposée, calme. Bercée même, par cette ambiance douce. Sauf que dans ma tête, dans un petit coin, je ne pouvais être tranquille. Je devais lutter. Et je luttais. J'étais plus forte que ça. Enfin, pas tellement. Mais je me croyais quand même capable de résister à un beau visage, avec des beaux yeux bleus, et des cheveux soyeux. Mais à ça se rajoutait une voix qui parlait ma langue. Des origines communes. Mais je résistais.

« On ne peut exorciser le diable lui même. »

Je chuchotais. Pourquoi parler plus fort, alors qu'il pouvait aussi bien m'entendre ainsi. Je ne faisais rien, ne bougeais plus. Au cas ou le moindre geste pourrait me faire perdre mes moyens. Je me sentis pousser en arrière, jusqu'à venir taper contre la paroi, froide. Comme celle des toilettes. C'était à peu près la même situation. Avec moins de vêtements. J'aurais aimé pouvoir me dégager cette fois. Mais il était fort. J'avais eu le loisir d'observer, à plusieurs reprises, sa musculature. Qui ne me laissait pas indifférente. Je me mordais la lèvre, assez fort, en proie à un désir que j'essayais d'enfouir. Mais tout de même amusée. Vraiment amusée. Je ne savais pas ce qui allait se passer. Cela ne dépendait pas que de moi. Et même si ça avait été le cas, je n'en aurais pas appris d'avantage, par qu'étais encore moins sure de mes intentions que des siennes. J'aurais pu faire quelque chose d’irréfléchi, sans le vouloir. J'étais prise d'une certaine ivresse. Je passais ma main le long de son ventre, de son torse. Comme pour illustrer mes paroles qui allaient suivre, je passais mes ongles sur lui, comme si j'avais l'intention de le griffer. Mais avec un peu de retenue, de douceur.

« Je suis sauvage. Et indomptable. N'y compte pas trop. »

Ma forme sensuelle, romantique, parfaite ? Il n'y avait là qu'une chose que j'étais capable de feinter. C'était la sensualité. La perfection, ce n'était à la portée de personne, même pour la feinter. Et le romantisme ? J'avouais être une adepte des dramas japonais romantiques, mais je ne m'étais jamais vraiment montrée romantique. Je n'avais aussi pas eu l'occasion de me montrer romantique, étant donné que je ne savais même pas ce que c'était d'aimer. Je n'étais jamais tombée amoureuse, et je ne voulais pas que ça m'arrive maintenant. On dit toujours que les sentiments ne se contrôlent pas. Faux, on peut au moins les étouffer. Ou réussi à se contrôler. Je le faisais, l'avais toujours fait. Jouer, avec des sentiments, ce n'était plus un jeu. Et moi, ce que j'aimais, c'était jouer. J'approchais mon visage du sien, comme si j'allais l'embrasser, mais j'allais rejoindre son oreille pour lui susurrer quelques mots, en réponse.

« Ne t'inquiète pas pour moi. Mais pour toi. Je ne me blesse jamais, mais mon entourage... »

J'embrassais sa peau, juste au dessous de l'oreille. Puis un deuxième en dessous. Mes paroles étaient vraies. Je pouvais facilement blesser n'importe qui. Manipuler. C'était si simple. J'avais déjà blessé, en séduisant. Je reculais un peu ma tête, avec un sourire sournois, qui pouvait faire croire que je le manipulais. Ce que je n'avais pas fait jusque ici. Mais les sentiments ou plutôt le désir anormal qu'il faisait naître en moi, l'attachement même, pourrait vite m'effrayer, et je pourrais retourner ma veste. Faire quelque chose de mal. Avoir comme but de le blesser, pour qu'ensuite, tout sentiments ou attachement disparaisse. C'était une solution de replie. Mais je n'en étais pas là. Pour l'instant. Je posais ma main sur son cou, mon visage près du sien, mes lèvres à quelques millimètres des siennes.

« Tu ne sais pas de quoi je suis capable. »

Il y avait dans le ton de mes paroles une sorte avertissement. S'il ne l'entendait pas, tant pis pour lui. Ce ne serait pas faute de ne pas l'avoir prévenu.

N’en faisait-elle pas de trop ? N’en rajoutait-elle pas à l’excès, quant à ses propos et affirmations ? Il y avait, dans nos échanges, comme une course aux superlatifs. C’était une série d’appels à la déviance la plus extrême. Plus nous nous approchions l’un de l’autre, plus nos propos devenaient défiants, provocateurs, insensés et vertigineux. Avoir affaire au diable lui-même ? Moi, le pauvre petit russe égaré ? Quelle douce folie.

« Essaie donc de me blesser. »

J’aurais pu, à cet instant, la bouffer toute crue. Ce n’aurait été l’affaire que de quelques secondes, d’une impulsion subite et irrésistible, d’une tentation que je n’aurais su tenir. Mais non, je résistais. Tout d’abord parce que j’avais tendance à créer personnellement ce genre de petit scénario que je venais contrôler par l’usage de la force, en tenant la demoiselle en respect. Ensuite, parce qu’elle était beaucoup trop facile à obtenir, trop désirable et affolante. Je ne voulais pas passer outre mon idée première, qui était de m’occuper d’elle pour faire ce que bon me plairait. Je désirais rester dans cette posture, à la posséder sans le faire vraiment, à poursuivre cet échange que je mènerais sans faillir, si elle n’en imposait pas tant par les mots.

« Je suis heureux que tu sois aussi inatteignable. Ma tâche n’en sera que plus aisée. »

Evidemment, je trouverais davantage d’aisance à entretenir une jeune fille déjà capable de prendre soin d’elle. Parce qu’il n’y aurait d’altercations trop dangereuses dont il faudrait la protéger, pas plus que des rencontres fortuites et inadmissibles. Tout devait être parfaitement simple avec quelqu’un comme elle. Raison de plus pour s’y attacher, sans doute.
Ainsi, après m’être aventuré sur son ventre, mes doigts poursuivaient leur périple. Et c’est là que le bas blessa. Si elle m’avait incité à lui faire front de toute ma haute stature, en restant droit et fière, arrogant, fort, pour contenir ses possibilités d’évasion et apprécier ses approches, c’était à cause de ses murmures. De mon oreille. Agata jouait admirablement bien son rôle.
Alors, sans tarder, mais se délectant de la douceur de ce corps humide et chaleureux, mes doigts glissèrent jusqu’à son buste. Sans pouvoir résister, et presque sans même que je sache pourquoi, ils s’emparèrent mollement de cette demoiselle comme s’il s’agissait de leur possession. Ils se posèrent sur son sein, en débutant par un lent mouvement visant à retirer ses cheveux collés en cachant le galbe. Puis, le prenant, ils s’installèrent dessus, en firent l’évaluation silencieuse, et calculèrent combien il s’agissait d’un endroit tendre et appétissant de son corps. Mes yeux, à moi, ne trahissaient peut-être pas ce manège à la fois intéressé et intéressant. Mais ils ne purent dissimuler une sorte d’embarras récemment arrivé, une réaction tout à fait naturelle, et pourtant inappropriée à la situation voulue. Présentement, je voulais qu’elle soit ma protégée. Celle pour qui je n’aurais eu qu’une affectueuse passion. Pourtant, contre son corps, à savourer son charme et sa voix si suave auprès de mon oreille, ses formes si alléchantes, mon envie s’était faite plus affirmée. Là, au niveau de mon bassin, un instinct de puissance s’élevait, venant gâcher le romantisme si peu présent de cette scène. Je me sentais prendre de l’ampleur et muer d’innombrables pensées en afflux sanguin. Mon entrejambe contre elle, je ne pouvais plus camoufler la disproportion du ressenti.

« Laisse-moi voir ce que feras un pacte signé avec ce beau diable que tu es. »

Je détournais l’attention comme cela m’était possible. Mais la volonté n’avait plus grande chance de pouvoir me faire réagir, maintenant. En tout cas, pas dans la négation de tout cela. Je restais contre elle, à ne pas lui accorder la possibilité de fuite, dorénavant au garde-à-vous contre cette inégalable part de féminité qu’elle offrait.

Quand j'avais dis blesser, je ne pensais pas à quelque chose que je pouvais faire, là, maintenant, sur le coup. J'en étais incapable, bien que, j'aurais pu lui donner un coup de genou dans ses parties intimes. Je parlais d'un coup qui se préparait à l'avance. Un plan. Lui donne ce qu'il recherche, faire naître en lui de l'attachement pour moi, pour ensuite... l'abandonner, ou pire. Je ne répondais rien. S'il tenait à ce que je le blesse, il le serait en temps voulu. Sauf que, je n'en avais pas envie. Je ne prenais pas plaisir à voir des gens que j'apprécie souffrir. Je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais pas m'échapper, si j'en avais eu l'envie. J'étais bloquée, et il semblait que cela allait durer un peu plus longtemps que la dernière fois.

« Je ne suis inatteignable que pour toi. »

En partie vrai. J'avais l'impression que tout ce que je lui disais depuis le début était en parti vrai, en parti faux. Pas si inatteignable, sinon, je n'aurais peut-être pas envoyée dans ce pensionnat pour avoir ramené quelqu'un dans mon lit. Plusieurs personnes, en fait. Mais, ca, c'était ce que mes parents ignoraient. En fait, je devais être très facilement atteignable. C'est un fait que je comptais bien lui cacher. J'aurais du avoir froid, dans cette situation, non ? Mouillée, collée à une paroi froide. Mais au contraire, j'avais chaud. Plus je sentais sa peau m'effleurer, me toucher, plus cette sensation de chaleur venait s'accroître. Contrairement à sur la plage, ma poitrine était nue. Et ce que je ressentais, c'était non pas du tissu, mais lui. Et c'était bien plus agréable. Et comme c'était un homme, une réaction naturelle se fit sentir, je ne pouvais cacher mon sourire. Pas vraiment embarrassée, mais plus satisfaite. J'aurais été blessé dans mon égaux si justement je ne lui avais fait aucun effet. Maintenant, j'étais sure du désire que je faisais naître chez lui. Je descendais mes mains vers le dernier vêtement qu'il me restait. Doucement, je le fis glisser.

« Le diable essayera de pousser tes limites à bout... »

N'était-ce pas ce que j'étais en train de faire ? Nous étions maintenant égaux, dans la tenue d'Adam et Eve. Mais tout en poussant ses limites, je poussais les miennes. Lui ne pouvait faire autrement qu'exprimer son envie, mais moi, même si je ne le montrais pas forcément, j'étais moi même tout aussi désireuse de sa personne. C'était dangereux, pour moi. Tant qu'il ne m'avait pas obtenue, j'étais encore désirable. Mais après, je deviendrais une banale fille, sans intérêt. Et ce serait peut-être différent. Encore une fois, je ne pouvais dire ce que me réservait l'avenir. Peut-être que ce serait moi, qui le trouverais sans intérêt, ensuite. Et peut-être que cela le blesserait. Et je pourrais lui dire, « Je t'avais prévenu. » ou cette fameuse phrase si désagréable « Je te l'avais bien dit ». Mais pour l'instant, rien n'était joué. Je portais mes mains sur ses hanches, l'attirant si c'était possible encore plus contre moi. Comme ça, je me sentais plus petite, inférieure. Mais je ne voulais pas lui montrer. Je voulais qu'il pense que j'avais tout à fait la maîtrise de moi-même. Pour cela, j'affichais ce petit sourire amusé, et même un poil hautain.

« Et peut-être même que tu céderas. »

« C’est trop mignon de ta part… »

Me faire céder. C’était le but, l’objectif qu’elle s’était visiblement fixer. Je ne pouvais qu’apprécier cette intention. Souriant autant qu’elle, et me laissant attirer contre son corps qui semblait n’attendre que ça, je me trouvais à la coincer contre la paroi d’une façon des plus intéressantes. Cette fille, qui n’était pas spécialement petite, devenait un en-cas particulièrement désirable à ma portée. Je me trouvais donc fort amusé, en me tenant contre elle, à sentir sa poitrine s’écraser délicieusement contre mon torse. Je la tenais d’une main habile, sans pour autant faire plus que cela. Ce n’était qu’une attraction des plus simples, une emprise qui n’était autre chose qu’un test, un essai, une évaluation des reliefs de son anatomie.
Si elle n’avait ôté son ultime sous-vêtement, je crois bien que je m’en serais chargé. C’était dans mes cordes et dans la liste de mes prérogatives. Je l’aurais sûrement fait juste après lui avoir si gentiment effleuré le buste. Car mes doigts, et plus précisément mon index, coururent sur ce galbe joliment dessiné, en touchant tout juste la pointe, pour revenir lentement sur son ventre. Puis, je rejoignais l’une de ses mains sur mes hanches, la prenant pour venir la porter à mes lèvres.

« Tu crois que j’ai des limites ? »

Lui demandais-je sans me départir de mon air enjoué. Embrassant doucement le dos de sa main, je ne quittais ses yeux. Mes intentions auraient pu être ambitieuses, me conduisant à la prendre avec plus de force et de persuasion. Mais ce n’était peut-être pas le moment. Pas plus que l’envie, qui n’était pas absente, mais un brin différente de ce qu’elle aurait pu être. Le grand russe que j’étais préférait adopter une stratégie plus particulière.
Je m’orientais en effet, plus vers ses fesses, puisqu’elle me tenait elle aussi. Je n’allais tout de même pas me laisser gouverner, sans avoir de pouvoir sur sa personne. La dominer, et ne pas la voir quitter mon emprise, était préférable.

« Que tu sois le diable, ou n’importe qui d’autre, ne retire rien au fait que tu sois une charmante compatriote russe. Je ne peux te faire de mal et profiter de ta faiblesse. »

Toute ma virilité d’homme était maintenant écrasée contre son ventre, et mes attouchements sur sa personne n’avaient rien d’innocent. Je lui prenais les fesses comme si elles avaient été mienne, et m’appropriait tout son être en l’empêchant de fuir. Toutefois, ce n’était qu’un jeu, et rien de tout cela ne devait, ni ne pouvait, mener à autre chose qu’à la continuation de cela. Devrais-je, pour autant, me montrer plus incisif ? Penchant la tête, et venant approcher mes lèvres de son cou, je lui murmurais donc :

« Mais le pouvoir, sans l’abus, perd le charme. Alors, sans doute devrais-je au moins chercher à exploiter mon propre démon. Peut-être pourrait-il te réserver, lui aussi, bien des surprises… »

J'avais bien envie de lui répondre que j'étais mignonne. Narcissique que j'étais. Enfin, je ne l'étais pas vraiment. C'était juste un amusement, de me flatter moi même, bien que je ne me trouvais pas particulièrement belle, ou intéressante. Je ne me posais pas trop de questions sur moi même. Mais je ne parlais, peut-être à cause du léger frisson qui parcouru mes entrailles, à chacune de ses caresses. Toujours essayer de ne rien laisser paraître. Cela devenait d'autant plus difficile que pénible. Il embrassa ma main, à la manière d'un gentleman. Et je souriais, telle une Lady. Ce baiser sur ma main était doux. Un petit moment de tendresse, sûrement. Ou une partie du jeu.

« En tout cas, tu cherchais à fixer des limites. Tu te rappelles ? »

N'était-ce pas lui, qui m'avait demandé sur cette plage « il est impératif de fixer des limites » ? Je ne sais pas lesquelles il c'était fixé, mais ce me semblait être des limites assez souples. Souples jusqu'où, d'ailleurs ? Je cherchais. Comme une enfant qui cherche à tester un de ses professeurs, voir jusqu'où les plaisanteries, ou les infractions à la règles peuvent aller. Mais je ne me moquais pas de Iaroslav, je jouais avec lui, ce qui était bien différent. Un jeu, mais je ressentais pourtant quelque sérieux là-dedans. Ses mains sur mes fesses, rien n'aurait pu passer entre nous. Et toute fuite était impossible. Pour moi, et si j'avais eu assez de force, je ne lui aurais pas non plus laissé le choix. Je l'aurais piégé. Mais ma condition de femme faisait que, s'il le voulait, il pourrait se dégager en deux petites minutes.
Lorsqu'il se mit à parler de ma faiblesse, je fronçais les sourcils, presque vexée. Profiter de ma faiblesse ? Qui était faible, ici ? Je ne me voyais pas comme telle. J'étais totalement maîtraisse de moi, et de la situation. Enfin, à peu près.

« Je ne vois pas de quelle faiblesse tu parles. Je suis sans faille. »

Je voulais passer pour une fille sans faiblesse, mais j'étais sure qu'il en voyait en moi. Sinon pourquoi aurait-il dit cela ? Évidemment, s'il voyait le désir comme une faiblesse... Mais j'étais capable de contrôler mon désir. La preuve, je le faisais pour l'instant. Ses lèvres, si près de mon cou, son souffle tiède. C'était moi qui était censée tester ses limites. Pas lui les miennes. Mais sans m'en rendre compte, nous jouions au même jeu, tout les deux, non ? C'était mon impression.

« Mais qui t'empêche donc d'abuser ? Rien ni personne ne peut me surprendre ou m'effrayer. Ton propre démon y compris. »

C'était plutôt de la curiosité. Je voulais juste voir s'il était capable de d'être « démoniaque » envers moi. Et s'il pouvait m'être, je voulais voir quelles surprises il pourrait m'apporter. Bonnes, ou mauvaises. Rien presque n'était mauvais, pour moi. Même dans les pires choses je trouvais toujours du bon. Il pouvait m'arriver n'importe quoi. Mais avec lui, je n'avais pas si peur. Comme il l'avait dit, je demeurais sa charmante compatriote russe. J'avais un titre spécial. Qui devait m’être plutôt bénéfique.

Il était temps d’en faire plus. Il était temps de franchir les limites. Parce qu’elles avaient été décidées et dessinées par moi, il ne manquait que ma volonté pour les rompre. Agata, elle, ne le pourrait certainement. Probablement que, si elle avait osé essayer de prendre les devants, franchissant les obstacles que j’avais dressé entre nous, je l’aurais remise à sa place. Si elle s’était montrée trop entreprenante, je l’aurais rapidement rabaissé, calmé, et peut-être même dominé. J’aurais fait d’elle une jeune fille plus fragile et soumise encore qu’elle ne pouvait le paraître là. J’aurais abusé de cette force que m’avais donnée la nature, pour assouvir mon désir de domination, plutôt que sa liberté d’être elle-même. Je ne pouvais rien laisser au hasard. Certainement pas des mouvements trop vifs venant d’elle. Evidemment pas des intentions qu’elles pourraient avoir, et qui n’auraient fait qu’atténuer mon pouvoir.
Ainsi, parce qu’elle se moquait de ma personne, et de ce démon que j’évoquais, mes yeux s’étaient plissés. Moi, serré contre elle, mes lèvres auprès de son cou, je prenais mon temps. Je calculais ce qu’il me restait à faire. Je préparais la suite de cette altercation.

« Alors, tu te crois si forte… »

Je me reculais lentement. Et, mes yeux dans les siens, je respirais sans me presser, histoire de faire attendre encore un peu la suite des évènements. Parce qu’elle arrivait. Et mes doigts venaient au bord de ses lèvres, les effleurant, cherchant bientôt à s’aventurer entre elles. Je sentais légèrement ses dents se profiler, leur émail contredire mon droit de passage.

« Sache que tout ce que tu as n’est que ce que je t’accorde. »

Subitement, j’adoptais cette tactique qui me convenait si bien. Parce que je n’étais finalement pas un tendre, et que ce jeu passait à la vitesse supérieure, je plaquais son corps plus fortement contre la paroi. Alors seulement, ma main libre vint se poser en bas. Plus bas. Plus bas que son ventre et son nombril. Là où sa peau délicate s’écartait en un passage marqué de plis et de replis. Ses lèvres, celles-ci, étaient en ma possession. Je posais d’abord ma paume à plat, protégeant cette entrée interdite, avant de glisser mon index lentement sur la longueur.

« Parce que rien ne saurait m’être refusé. Et que seule cette bonne nouvelle daignerait t’en permettre tout autant. »

Presque violemment, je forçais l’envie qui me prenait pour aller plus avant. Mon front s’était collé au sien. Mon souffle s’était intensifié d’un seul coup. Et mon doigt, pour faire corps avec tout cela, s’était introduit en elle. Très peu, pour commencer, car ce n’était qu’un moyen de m’exprimer. Mais comment pourrait-elle ne pas saisir la teneur du message. Je ne caressais plus ses lèvres humides, celles qui avaient tant de fois affiché un sourire, avec la même douceur. J’appuyais mes doigts, ou les mouillaient de sa salive sans lui demander son avis, pour les faire descendre de son menton à son cou, de son cou à son torse voluptueux.

« Demande-moi de t’épargner. Prie-moi. Supplie-moi. Ou tu sauras ce que signifie être possédé… »

Mais j'étais si forte ! On aurait dit qu'il en doutait, dans ses paroles. Comme s'il allait me prouver que ce n'était pas vrai. Du moins, assez forte pour n'être effrayée par rien. Surtout pas par lui, c'était sur. Je me préparais à ce qu'il allait pouvoir me réserver. D'abord, ses doigts sur mes lèvres. Je ne me me laissais pas totalement faire, et m'amusais à le mordre, ou plutôt à le mordiller. Pas si gentiment que ça, je faisais en sorte qu'il ressente au moins une légère douleur. J'avais dit que je n'étais pas une gentille petite fille, il fallait que je joue mon rôle, comme il se devait. Je ne devais pas me laisser faire. Pas complètement. Surtout que, je n'avais que ce qu'il m'accordait. Bien sur. J'étais sure que je pourrais essayer de lui en demander plus que ce qu'il m'aurait accordé en temps normal. Mais pas maintenant. Je le laissais s'amuser, et je n'allais pas le contrarier pour l'instant. Je profitais de ce qu'il « m'accordait ». N'étant pas une petite fille rêvant de paroles douces, et de gestes doux, me faire plaquer contre le mur n'était pas désagréable. J'aimais même un peu ce coté... brutal ? Ou sauvage. Cela s'accordait bien avec mon état d'esprit que j'avais adopté. J'avais décidé de ne pas être très gentille.
Enfin ce que j'avais plus ou moins attendu depuis quelque temps. Il avait posé sa main là, entre mes cuisses. Et pendant un instant, mon souffle avait été coupé, pour ensuite reprendre une respiration un peu plus accélérée, mais contrôlée. Son front collé au mien, j'approchais un peu mon visage du sien, passant délicatement ma langue sur ses lèvres, presque comme un effleurement.

« Je ne suis pas en position de te refuser quoi que ce soit. J'apprécie trop ce que tu m'accordes. »

Je commençais à ressentir réellement un désir encore plus ardent que quelques temps auparavant. Il était en moi, et ne serait ce que si peu, cela me forçait à me contrôler. Je reculais un peu mon visage, pour le regarder presque innocemment, un regard suppliant comme il m'avait demandé, ou proposé de le faire.

« Je t'en supplie... ne m'épargne pas... »

On pouvait plus ou moins appeler ça un appel à la « possession ». Être possédée par lui, par son démon, n'était ce pas le but que je m'étais fixé, quand j'avais dit que je voulais le tester, pousser ses limites ? J'avais presque été sure qu'il y céderait. J'étais presque sure qu'il allait céder. C'était un homme. Il n'y avait pas un instinct ou quelque chose qui le poussait dans cette direction ? Hum, si. Cet instinct était dur. Et que j'avais passé mes mains, mes ongles tout le long de son torse pour arriver tout près de ce membre qui était la clé de sa virilité. Doucement, mes doigts le frôlèrent, mais je le regardais toujours avec cet air suppliant.

« Je suis déjà possédée. »

C'était le cas, possédée par le désir, de plus en plus, à chaque secondes. Je me demandais même si je ne l'étais pas plus que lui.

Le jeu devenait dangereux. Elle devenait dangereuse. Avec ses susurrements, ses supplications, sa voix aussi douce et sucrée que le miel. Chaque instant qui passait, mon désir ne s’essoufflait. Au contraire, il enflait. Parce que je me montrais un rien violent, mais surtout tenté. Parce que je ne reculais pas. J’allais toujours plus loin, me montrant entreprenant, avec cette réserve me ressemblant parfaitement. Ce rôle ? Je le tenais comme il fallait, je crois. J’aurais pu continuer à le jouer des jours et des jours, à tenter cette charmante sans autre but que de faire le mieux possible. Je voulais réaliser une sorte de perfect. Je voulais arriver au bout de ma volonté, en épuisant absolument le sujet, pour que jamais cette jeune femme n’oublie que j’étais. Il était essentiel qu’elle se souvienne de moi, et de tout ce que je pourrais lui offrir. Ma compagnie, en premier lieu. Et tout mon être pour la protéger, pour la posséder, la comprendre en totalité.

« Tu l’es déjà… et par qui donc ? »

J’aurais pu interpréter ses paroles comme bon me semblait. Qu’elle soit en possession d’un autre que moi n’était pas une éventualité à exclure. La demoiselle avait bien le droit de dédier son âme à d’autres. Alors la question prenait tout son sens. Et je pouvais m’amuser plus encore. Je la titillais davantage. Je me délectais de mon doigt contre cette chair tendre, humide, intérieure…

« Je pourrais très bien te voler tout ce que tu es. Tout ce que tu as. Tout ce que tu veux et espère, ainsi que ce en quoi tu crois et place tes aspirations… »

Ce n’était que des mots. Mais entre ses lèvres inférieures, glissant mon index plus loin encore, je le faisais remonter pour caresser cette partie si sensible et sensuelle. J’aimais cela, il ne servirait à rien de le nier. Atteindre cette partie de son être, après avoir prononcé toutes ces belles paroles depuis le début, était une contradiction des plus adorables. Je la provoquais en me laissant avoir moi-même. Je lui donner là l’occasion de remettre en doute ma parole. Mais embrasser son front, ses tempes, sa joue et le coin de ses lèvres devait m’empêcher d’en dire trop. Ma main, qui s’était contentée de caresser sa joue, avait de nouveau descendu jusqu’à son épaule. Puis, de là, s’en était allée à la rencontre de son sein. Des deux, plus précisément. Elle courait dessus avec lenteur, avant de se stopper en jouant et saisissant la pointe de sa gracieuse mamelle de femme.

« Puisque tu es une russe, je n’écorcherai pas ton corps. Ou bien je ne m’en contenterai pas. C’est ton âme que je violerai. »

Cela, dit à quelques millimètres de cette bouche suave qui m’attirait, n’était pas sans me faire sourire. Légèrement, certes, mais je ne cracherais pas sur ce sentiment qui en ressortait. Je collais plus encore mon corps, l’écrasant presque contre la paroi, pour venir mordre son cou, le léchant dans un mèche temps, jusqu’à ce que sa seconde épaule appartienne à mes dents. Je l’aspirais. Je suçais sa peau et son sang. Je m’imprégnais d’elle jusqu’à la moelle…

Par qui ? J'aurais pu lui dresser une liste du nombre de personne qui m'avaient possédées. Même si leur nom m'était parfois inconnu. Soi parce que je ne le connaissais pas, soi parce que je ne m'en rappelais pas, comme je ne me rappelais pas la soirée qui c'était déroulée. Des trous noirs dans mes souvenirs. Pour un début de réponse, un simple petit sourire mystérieux, malicieux.

« Oh. Ça, c'est un secret. »

Mais sûrement que mon comportement de jeune fille un peu dévergondée et allumeuse voulait tout dire. Je n'étais pas comme cela avec tout le monde, pas tout le temps. Dans la journée, c'était rare. Il avait été une exception, parce qu'avaient été réunies des conditions particulières. La plus importante je étant, je dirais... Ses origines ? Il m'avait tapé dans l’œil, et peut-être qu'au début de ma rencontre avec lui j'avais déjà imaginé que les choses pourraient se passer comme ceci. J'irais pas jusqu'à dire que j'avais planifié les choses, mais j'y avais contribué. Je l'avais cherché. S'il pensait que j'étais apeurée parce qu'il pouvait me « voler » tout ce que j'avais, tout ce que j'étais, il avait tort. Je n'avais rien qu'on puisse me voler, il n'aurait que ce que je n'avais pas peur d'offrir. Je ne donnais rien qui avait de l'importance, pour moi. Rien qui n'en avait trop. Comme certains sentiments. Je n'avais pas d'aspiration particulière, je ne croyais en presque rien. J'étais plutôt simple, prenais le vie comme elle venait, sans idée pour mon avenir, ce qui faisait de moi une fille à qui il était dur de faire du mal. En revanche, me faire plaisir était simple. Son doigt se glissait plus profondément, et je retenais un petit souffle de plaisir. J'aurais voulu agir, moi aussi. Mais titillant ainsi ma poitrine, sa main entre mes jambes, j'avais du mal à bouger.

Mon corps, je lui offrais, sans aucune hésitation. Mais mon âme, c'était quelque chose à laquelle je tenais. Si j'en avais encore une. Les démons, les créatures mauvaises n'ont pas d'âmes. Je ne voulais pas lui appartenir, que mon âme lui appartienne, et qu'il fasse naître en moi quelque chose que je ne voulais pas. Je lutterai pour que mon âme reste mienne.

« Je ne te laisserai pas faire... »

J'avais prononcé ses mots, alors que sa bouche était toute proche de la mienne. On aurait pourtant pu dire à la façon dont je me comportais que je me laissais faire. Mais mon esprit lui était résolu. Il descendit à mon cou, comme s'il m'aspirait. Un suçon, peut-être, une envie vampirique. Une de mes mains à moi, pendant se temps là, se posèrent sur son intimité à lui, doucement. Lentement d'abord, j'exécutais des vas et viens. Il était en moi. Il me donnait du plaisir. Je me devais d'en faire autant, même si j'avais du mal à ne pas me laisser complètement aller. S'il ne voulait pas écorcher mon corps, mon devoir était de le pousser à le faire. Ma respiration c'était accélérée, et je n'avais pu, malgré moi, cacher mon souffle plus rapide. Tous mes muscles étaient contractés, et pourtant, je me sentais détendue, et cet atmosphère était fort agréable.